Le rapport sur le grand âge remis jeudi au gouvernement prévoit 9,2 milliards de dépenses publiques supplémentaires par an d'ici 2030 pour faire face au vieillissement de la génération du baby boom. Ce texte très attendu, mené par Dominique Libault, ex-conseiller de Simone Veil, ancien directeur de la Sécurité sociale, formule 175 propositions. En recevant le rapport, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé que le gouvernement présenterait à l'automne "une grande loi" sur la dépendance.
Une priorité donnée au domicile
Alors qu'on prévoit 40.000 personnes âgées dépendantes de plus par an à compter de 2030, soit le double d'aujourd'hui (2,23 millions en 2050 contre 1,26 aujourd'hui), le souhait majoritaire des Français est de rester chez eux. Mais pour cela, il faut améliorer la qualité des services à domicile. Le rapport propose donc d'instaurer un tarif plancher de 21 euros de l'heure, auquel s'ajouteraient 3 euros de subvention, et de négocier des hausses de salaires et de qualité de service par le biais de contrats d'objectifs et de moyens. Le coût de la réforme est estimé à 550 millions d'euros sur la base du nombre de bénéficiaires de 2018.
80.000 postes de plus dans les Ehpad
63% des Ehpad disent avoir au moins un poste non pourvu depuis 6 mois ou plus. Pour lutter contre cette situation, le rapport propose de mieux former les personnels, de revaloriser les salaires, de développer l'apprentissage dans le secteur. Il préconise aussi d'augmenter progressivement de 25% le taux d'encadrement en Ehpad d'ici 2024, soit 80.000 postes de plus, pour un effort chiffré à 400 millions d'euros par an d'ici 2020 et 1,2 milliard en 2024.
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Trois milliards d'euros sur 10 ans doivent également être consacrés à la rénovation des résidences autonomie et des Ehpad publics parfois vétustes, en privilégiant les transformations en petites unités d'une quinzaine de résidents.
Reste à charge et "bouclier autonomie"
Les dépenses d'hébergement en établissement sont à la charge des familles, et le reste à payer après aides atteint 1.850 euros par mois pour la moitié des résidents. Une nouvelle prestation, dégressive en fonction des ressources, aiderait les personnes à revenus modestes qui ne bénéficient pas de l'aide sociale à l'hébergement (ASH). Elle serait de 300 euros par mois entre 1.000 et 1.600 euros de revenu, dégressive jusqu'à 50 euros pour les personnes disposant de plus de 3.200 euros de revenus.
Un "bouclier autonomie" serait activé dès lorsqu'une personne reste plus de quatre ans en Ehpad en situation de perte d'autonomie (15% des résidents), ce qui représenterait un gain moyen de 740 euros par mois. L'ASH allouée par les départements serait réformée, avec des règles nationales pour les ressources et la suppression de l'obligation faite aux petits-enfants de contribuer aux frais.
Aider... les proches aidants
3,9 millions de personnes apportent une aide régulière à un proche âgé. Le rapport préconise d'indemniser le congé de proche aidant (3 mois, non indemnisé actuellement) et de rendre obligatoire une négociation par branche pour concilier vie professionnelle et aide à un proche.
Un guichet unique
Des "maisons des aînés et des aidants" seraient créées dans chaque département avec pour mission d'orienter et accompagner dans les démarches la personne âgée et de coordonner les interventions sociales et médicales.
Le service national universel mis à contribution
Le service civique et bientôt le futur service national universel pourraient être mis à contribution pour rompre l'isolement des personnes âgées.
Un nouveau prélèvement social pour financer la perte d'autonomie
Le rapport écarte l'option d'une assurance obligatoire privée, au profit de la solidarité nationale. Il propose d'augmenter de 35% l'effort en faveur du grand âge d'ici 2030 (1,6% du PIB au lieu de 1,2% aujourd'hui), soit 9,2 milliards à trouver en plus des 23,7 milliards de dépense publique actuellement affectés à la dépendance. Où les trouver? Le président du Haut conseil au financement de la protection sociale Dominique Libault préconise de profiter de la fin programmée de la CRDS (ou contribution pour le remboursement de la dette sociale), qui doit disparaître en 2024, pour la remplacer par "un nouveau prélèvement social pérenne" qui serait "en partie" affecté au financement de la perte d'autonomie.