On ne l’appellera bientôt plus classe de terminale. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a confirmé mercredi sa volonté de lui trouver un nouveau nom. Et si une phase de consultation, qui va durer un mois, démarre pour tenter de trouver un consensus sur une nouvelle appellation, le ministre a déjà une petite idée. "Nos voisins utilisent le terme 'maturité'. C'est un mot classique, qui a plein de sens. Je propose cette idée, cela nous laisse un mois de réflexion, d'intelligence collective. Nous trouverons peut-être un mot meilleur mais je le propose à ce stade", a-t-il déclaré mercredi devant la presse, lors de la présentation de son projet de réforme du baccalauréat.
Pour Jean-Michel Blanquer, l’idée était de s’inspirer de nos voisins transalpins (italiens et suisses), belges ou encore autrichiens, qui accolent déjà le terme "maturité" à l’examen finale de sortie de lycée. "Nous ne voulons plus appeler la classe de terminale. C'est tout sauf un moment terminal, c'est un moment tremplin vers l'enseignement supérieur", a justifié le ministre. Mais cela a-t-il vraiment un sens d’accoler le terme "maturité" à une classe d’élèves de 17 ans ?
Les suisses seront heureux d’entendre que la terminale des lycéens français va être rebaptisée « classe de maturité ». La « maturité » ou « matu », chez eux, c’est le bac. #RendonsÀCesar
— Laurent Bazin (@laurentbazin) 14 février 2018
La terminale pourrait s'appeler la « maturité » une traduction littérale de l'italien.
— François Beaudonnet (@beaudonnet) 14 février 2018
Ici, le baccalauréat s’appelle la maturità et le grand oral dont la France s’inspire : le colloquio. #baccalaureat
"Il y a l'idée d'entrer dans l'âge adulte. Est-on adulte à cet âge-là ? On peut en douter. Il y a un temps où l'entrée dans les études supérieures représentait un vrai cap, quelque chose d'important. Aujourd'hui, un étudiant est encore souvent dépendant de ses parents, ne serait-ce que financièrement", avance Marie Duru-Bellat, sociologue de l’Education à Sciences Po. Mais selon cette spécialiste, il semble difficile de trouver mieux. "Certains parlent plutôt de ‘post-adolescence’ pour cet âge-là. Mais on ne va pas appeler la classe de terminale classe de la ‘post-adolescence’... Alors maturité, pourquoi pas. L'important, c'est plutôt que cela ne s'appelle plus 'terminale'. Cela a un sens. On réorganise le bac pour qu'il soit une porte d'entrée dans les études supérieures, il est normal que l'on change de mot, pour ne plus donner l'impression que le cursus s'arrête", défend-elle.
" Si on compare à l’enfance, on peut déjà parler de maturité à 17 ans "
À en croire la recherche en neurologie ou en pédopsychiatrie, la "maturité" commence plutôt à l’âge de 30 ans. À cet âge-là, le développement des neurones est arrivé à son terme. Et l’individu est considéré comme pleinement "adulte", c’est-à-dire qu’il maîtrise ses émotions et ses pulsions.
"Pour autant, si on compare à l’enfance, on peut déjà parler de maturité à 17 ans", décrypte Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur de Les Vampires psychiques. "Dans l’Antiquité romaine, on parlait de ‘puérilité’ de 7 à 17 ans, puis ‘d‘adulescence’, terme qui signifiait une sortie de cette puérilité. Et il y a beaucoup d’arguments qui le justifient. À 17 ans, on a déjà développé une pensée dite ‘abstraite’ (on est capable de faire des hypothèses et des raisonnements), notre corps a terminé (ou presque) sa croissance et on a atteint une certaine forme de maturité génitale", détaille le praticien. Et de conclure : "Rebaptiser ainsi la classe de terminale a du sens. Et cela peut être positif, cela présente l’entrée de la maturité comme quelque chose de motivant, quelque chose à acquérir, un gain".
" Il y a une forme de mépris "
Mais le terme est encore loin de faire l’unanimité. Et s’il peut avoir du sens à plusieurs égards, il risque aussi de crisper les principaux concernés : les élèves. "Le terme peut choquer car cela sous-entend que les autres classes ne reflètent pas la maturité. Il y a une forme de mépris", regrette Marouane Zaki, secrétaire général de la Fidl, syndicat de lycéens. Un avis partagé par Daniel Marcelli, pédopsychiatre et enseignant à la faculté de médecine de Poitiers, qui y voit un terme "hautain, presque désobligeant".
Je suis au lycée, en maturité. Et toi ?
— Loys Bonod (@loysbonod) 13 février 2018
- Moi je suis au collège mais j'entre bientôt en puberté.https://t.co/0fhz8Nti9k
"Cela donne l’impression que les jeunes des autres classes ne sont pas parfaitement murs. Personnellement, la ‘Terminale’ pour une classe qui vient mettre un point final au lycée, ça ne me choquait pas. Mais quitte à changer, pourquoi ne pas opter pour ‘classe de réflexion’, ‘classe de la pensée’ ou de l’approfondissement’ ?", s’interroge ce spécialiste de l’adolescence, auteur de Avoir la rage. "L'l’immaturité, aujourd’hui, c’est l’injure préférée d’une grande partie des enseignants. Pour ma part, je n’y vois pas quelque chose de négatif. Tout le monde devrait garder une part d’immaturité. La maturité, c’est l’achèvement. L’immaturité, c’est une chance, une capacité de changement, d’adaptation. Ce n’est pas un défaut, surtout dans notre monde moderne", conclut-il.