La période du confinement a privé les étudiants d’une partir de leurs cours. Si certains établissements ont redoublé d'efforts et de créativité pour assurer les cours à leurs étudiants, tous non pas été logés à la même enseigne. Certains sont inscrits dans des écoles très chères, et s’organisent aujourd’hui pour se faire rembourser une partie de leurs frais de scolarité. Alors qu’aux États-Unis, plusieurs "class actions" (actions collectives) sont déjà en cours contre des universités de renom qui refusent de rembourser les étudiants lésés, en France, le mouvement débute tout juste.
"C'est très cher payé !"
"On était limité à des PDF et quelques vidéos d’une dizaine de minutes, et quand on essayait de communiquer avec les profs, on nous envoyait bouler parce qu’ils n’avaient pas à s’occuper de nous", explique Maxime, étudiant en première année dans une grande école de commerce. Pour pouvoir payer ses frais de scolarité – presque 9.000 euros par an -, il a dû contracter un prêt pour cinq ans auprès de sa banque. "C’est quand même très cher payé", poursuit-il, évoquant un enseignement à distance déplorable. Or, pour le moment, son école n’est pas prête à la moindre réduction des frais de scolarité. Pire encore, c’est à peine si on lui répond qu’il a déjà beaucoup de chance d’avoir une place dans une grande école.
Isabelle, elle, a un fils en deuxième année dans une école d’ingénieur. Quelques jours après avoir constaté la même légèreté des professeurs pendant trois mois, elle a reçu un mail indiquant les frais de scolarité pour l’année suivante. "On a cru comprendre qu’il y avait même une augmentation dans l’air", raconte-t-elle, amère. "C’est cette espèce de non-adaptation, de non-bilan et de non-remise en question qui nous énerve !"
La plupart des demandes concernent l’enseignement supérieur, mais certains avocats ont également reçu des dossiers concernant des demandes de remboursements d’écoles privées de primaire, mais aussi d’activités périscolaires très coûteuses. À chaque fois, leurs clients se heurtent à la même réponse : hors de question d’envisager un quelconque remboursement.
Un contrat non respecté
"Il faut replacer le débat de façon carrée : on est dans une situation où les étudiants sont des particuliers consommateurs face à un professionnel", explique Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l’éducation, évoquant deux parties liées par un contrat prévoyant des heures de formations qui n’ont pas été assurées dans leur intégralité. "Il est donc normal, face à un contrat qui n’a pas été respecté en totalité, de pouvoir demander une réduction du prix qui a été payé", assure-t-elle.
Toutefois, pour faciliter les choses, l’avocat conseille d’effectuer une demande très factuelle, et de faire le détail des cours qui ont été assurée, et ceux qui ne l’ont pas été. "Si un tiers des cours n’a pas été assuré, on demande une réduction d’un tiers par rapport à ce qui a été réglé", donne-t-elle pour exemple. Valérie Piau, auteure de Les droits des élèves et des parents d'élèves, conseille donc d’engager une discussion de cette manière, puis d’adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Si cela n’est pas suffisant, "Il est possible de saisir un juge pour demander une réduction du prix en expliquant que seule une partie des prestations de scolarité a été assurée".
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Faire bloc pour éviter d'avoir à saisir le juge
Le problème est que nous sommes à deux mois de la prochaine rentrée universitaire, et que de telles démarches peuvent décourager les étudiants qui doivent d’ores et déjà payer les frais de scolarité pour l’année scolaire à venir. "D’où l’importance pour les étudiants d’avoir du poids", explique Valérie Piau, qui invite les étudiants à s’allier et mettre en commun leur demande. "Souvent, face à une école, les étudiants ont peur de demander quelque chose de crainte qu’il y ait des représailles", poursuit-elle. L’avocate dit avoir été contactée par des associations d’étudiants. "Le fait de faire une demande qui aura plus de poids par rapport à l’école pourra permettre d’obtenir gain de cause sans avoir à saisir le juge". Et donc, d’accélérer l’accès à un éventuel remboursement.
Par ailleurs, l’avocate explique que les "class actions", répandues aux États-Unis, ne peuvent être portées, en France, que par des associations de consommateurs. "Les étudiants peuvent donc s’adresser à des associations de consommateurs", telles que UFC. Des associations qui ont notamment agi par rapport aux compagnies aériennes qui refusaient le remboursement à leur client.
Quoi qu’il en soit, Valérie Piau est optimiste. "Il y a une fenêtre de tir", assure-t-elle. À condition que la demande soit circonstanciée, d’où la nécessité de quantifier les heures de cours perdues. "Plus la demande sera précise et circonstanciée, plus l’établissement verra que la demande est fondée".