"Vous avez l’impression qu’on vous refuse la maîtrise de votre vie, la maîtrise de vos projets, et qu’on vous renvoie sans arrêt à votre statut de victime du Bataclan. C’est comme si on vous disait : 'vous ne pourrez jamais vous en remettre'". Laurence était dans la salle de concert parisienne, le 13 novembre dernier, lors de l'attaque des terroristes de Daech. Elle s'en est sortie sans blessure, raconte-t-elle dans le Magazine de la santé, l'émission de France 5. Mais Laurence raconte aussi une conséquence inattendue de cette soirée dramatique : le refus, de la part d'une compagnie d'assurance, de lui assurer un prêt immobilier en raison des risques de stress post-traumatique.
Une honnêteté coûteuse. Peu avant les attentats, Laurence avait obtenu un prêt immobilier pour l'achat d'un appartement. Mais ce n'est qu'après l'attaque du Bataclan qu'elle contacte une assurance emprunteur (Cardif) pour assurer son prêt. Dans le formulaire de demande, elle joue la carte de l'honnêteté. Dans la case "suivi médical", elle note : "stress post-traumatique suite présence au Bataclan le 13/11 lors de l'attentat (suivi psychologue spécialisée)". Réponse de l'assureur, quelques jours plus tard : "refus". "La décision […] est motivée par l'état de stress post-traumatique que vous avez connu, suite aux attentats de Paris", peut-on lire dans le courrier partagé par France 5.
Un refus légal… D'un point de vue légal, l'assureur est dans son bon droit : rien ne l'oblige à assurer qui que ce soit. Et d'un point de vue purement commercial, une personne atteinte de stress post-traumatique n'a pas le meilleur profil possible pour un emprunteur. Cauchemars, insomnie, flashbacks répétitifs, tension permanente : une victime atteinte d'un tel état de stress peut être affectée pendant plusieurs années, ce qui peut compromettre le remboursement d'un prêt.
… Mais peu justifié. Mais en plus d'être quelque peu cynique, l'argument utilisé par l'assureur ne devrait pas s'appliquer au cas de Laurence. En effet, celle-ci a entamé un suivi psychologique immédiatement après les attentats. "J’ai été très choquée comme beaucoup de personnes par ce qui s’est passé et j’ai commencé à voir une psychologue spécialisée en traitement des traumas quelques jours après. Je me rendais compte de l’ampleur de ce qu’on avait vécu et du choc que cela pouvait représenter", raconte-t-elle. Or, plus le suivi est précoce, plus les risques d'un traumatisme durable sont faibles. "Dans 80 % des cas, le problème est résolu dans l’année avec une prise en charge adaptée", explique le psychiatre Florian Ferreri cité par France 5.
Coïncidence douteuse : la veille de la diffusion de l'émission, la compagnie d'assurance a contacté Laurence pour entamer de nouvelles négociations. Encore choquée par le refus initiale, la rescapée du Bataclan indique vouloir attendre un peu avant d'accepter.