Le gouvernement pourrait envisager de "suspendre des fonctionnalités" sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes mais n'a pas l'intention de procéder à un "black-out généralisé" des plateformes, a assuré mercredi l'exécutif après des propos présidentiels qui font polémique. "Ça peut être des suspensions de fonctionnalités", a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, en évoquant les outils à disposition lors de situations telles que les émeutes déclenchées par la mort du jeune Nahel le 27 juin.
Olivier Véran était invité à clarifier des propos tenus la veille par Emmanuel Macron
"Vous avez par exemple des fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel endroit, en montrant des scènes, comment mettre le feu etc... C'est des appels à l'organisation de la haine dans l'espace public et là vous avez autorité pour pouvoir suspendre", a-t-il dit en rendant compte du Conseil des ministres. Olivier Véran était invité à clarifier des propos tenus la veille par Emmanuel Macron devant quelque 300 maires de communes victimes de violences durant les émeutes.
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Selon l'entourage du chef de l'État, le président Emmanuel Macron "n'a à aucun moment dit qu'il envisageait de couper les réseaux dans le sens d'un black-out généralisé". "Il s'agit de "pouvoir ponctuellement et temporairement suspendre des réseaux sociaux", a ajouté cette source. "Nous avons besoin d'avoir une réflexion sur l'usage de ces réseaux chez les plus jeunes, dans les familles, à l'école, les interdictions qu'on doit mettre", a souligné le chef de l'État, selon des propos rapportés par la presse et confirmés par l'Elysée.
"OK Kim Jong Un"
"On a pu le voir (..) quand les choses s'emballent pour un moment, se dire: on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper", a-t-il dit. "Il ne faut surtout pas le faire à chaud. Je me félicite qu'on n'ait pas eu à le faire", a-t-il ajouté. Les réactions n'ont pas tardé. "Couper les réseaux sociaux ? Comme la Chine, l'Iran, la Corée du Nord ?, a ironisé le président du groupe Les Républicains (LR) à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, sur Twitter en déplorant une "provocation de très mauvais goût".
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"OK Kim Jong Un", s'est exclamée dans le même registre l'insoumise Mathilde Panot, en référence au leader nord-coréen. "Ce serait renoncer à l'idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu'on détourne contre elle. Ce serait une erreur", a aussi estimé le député du parti présidentiel Renaissance Eric Bothorel. Le ministre chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot a proposé mardi soir au Sénat la mise en place d'un groupe de travail sur les mesures à prendre en cas d'émeutes, qui pourraient être intégrées au projet de loi pour "sécuriser" internet.
Est-ce envisageable ?
Cette idée de réguler les réseaux sociaux dans certaines situations, est-ce vraiment envisageable ? Cela semble assez compliqué. La question de la levée de l'anonymat, c'est un serpent de mer et il est bon de rappeler qu'aucun internaute est vraiment anonyme. Tout le monde utilise un pseudonyme mais tout le monde peut aussi être retrouvé via son adresse IP, qui est un peu l'identité de la ligne internet utilisée. L'idée principale qui émerge ces derniers jours, c'est la dernière évoquée par Olivier Véran, celle qui consiste à désactiver une fonctionnalité sur un réseau social, par exemple la fonction géolocalisation sur Snapchat.
"Je peux, en utilisant une des fonctionnalités de Snapchat, avoir accès aux snaps qui sont produits autour de moi. Et du coup, s'il y a une émeute ou un pillage dans ma proximité géographique, je n'ai plus qu'à me diriger en m'aidant de la cartographie intégrée à Snapchat", souligne Fabrice Epelboin, enseignant, entrepreneur et spécialiste des réseaux sociaux. Cependant, il paraît peu probable que Snapchat désactive de son propre chef une fonction qui attire ses 20 millions d'utilisateurs en France, à moins que la loi l'y contraigne. Le ministre chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, a proposé mardi soir la mise en place d'un groupe de travail sur ce sujet.