Le sujet sensible de la résidence alternée pour les enfants de parents divorcés a été âprement débattu à l'Assemblée nationale sans que cela débouche sur un vote, reporté faute de temps.
Faire de la résidence alternée le principe en cas de séparation des parents : une proposition de loi MoDem, controversée, a commencé jeudi soir à être examinée par l'Assemblée nationale mais le débat pourrait ne pas s'achever... avant plusieurs mois.
Accompagner "les évolutions de la société". À l'ouverture des discussions sur ce texte qui déchaîne les passions et dont la portée réelle est incertaine, la ministre auprès du ministre de l'Intérieur Jacqueline Gourault (MoDem) a estimé que la proposition "accompagne les évolutions de la société", jugeant son "intérêt essentiellement symbolique".
Pas de généralisation. Le texte "entend simplement prévoir qu'un enfant dont les parents sont séparés, aura désormais deux résidences" ce qui "ne veut pas dire qu'il partagera son temps à part égale entre les domiciles de ses parents", a affirmé Jacqueline Gourault. La ministre, remplaçant la garde des Sceaux Nicole Belloubet dans l'hémicycle pour cause de déplacement en Nouvelle-Calédonie, a insisté sur le fait qu'il ne pouvait "s'agir ici de généraliser la garde alternée, de la rendre obligatoire, ou même de l'ériger en modèle positif".
Un triple objectif. Le rapporteur, Vincent Bru (MoDem), avait vanté un "triple objectif" : "préserver l'intérêt de l'enfant en consacrant son droit à maintenir le lien avec les deux parents", "mieux traduire la symbolique de l'égalité des parents" et enfin "faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents".
Réécrite largement en commission la semaine dernière, la proposition de loi, qui ne parle plus de "garde alternée", prévoit que "la résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités de fréquence et de durée déterminées par accord entre les parents ou par le juge". Le juge pourra y déroger "à titre exceptionnel". Cette réécriture n'a pas suffi à apaiser les passions déclenchées ces dernières semaines.
De nombreuses oppositions. Mercredi soir, onze associations féministes ont encore signé une tribune contre la "garde alternée automatisée" qui "relègue l'intérêt supérieur de l'enfant au second plan". Ces associations, à la voix notamment relayée en commission par l'Insoumise Danièle Obono, estiment que la réforme aboutirait "à une paupérisation des femmes à la tête de familles monoparentales", notamment du fait d'un partage des allocations familiales.
La réécriture ne satisfait pas plus les partisans d'une résidence alternée systématique. Pour le président de SOS Papa, Jean Latizeau, la double résidence "purement administrative" est "même un recul" et "ferait disparaître du Code civil la notion de résidence alternée". L'Unaf soutient, elle, un texte qui "place l'intérêt de l'enfant et l'organisation pratique de sa vie au cœur des enjeux", malgré des améliorations "nécessaires".
Un examen suspendu jusqu'en mai. L'Assemblée ne pouvant en principe siéger au-delà d'une heure du matin pour une "niche" parlementaire, les débats se sont interrompus après la discussion générale, avant l'examen des 42 amendements. L'examen de ce texte, qui a l'appui de LREM mais suscite des réserves à droite et à gauche et même chez certains MoDem, ne pourrait revenir que lors de la prochaine niche centriste... le 17 mai. Avant d'entamer, s'il est approuvé, une navette avec le Sénat.