L'état des lieux publié jeudi par l'Éducation nationale révèle de fortes disparités à l'échelle du territoire en termes de réussite scolaire.
Dis-moi où tu habites, je te dirai si tu réussiras. Dans son état des lieux "Géographie à l'école" publié jeudi, le département statistique du ministère de l'Éducation nationale pointe un grand nombre d'inégalités entre les élèves français, à l'échelle des régions, des académies, des départements voire des cantons. Car selon que l’on vive dans les quartiers chics de la capitale ou dans un petit village de Guadeloupe, les chances de réussir à l’école ne sont pas vraiment les mêmes.
Les facteurs socio-économiques très marquants. Pour décrocher son bac, mieux vaut être scolarisé en Corse (97% d'admis, soit 5 points au-dessus de la moyenne) qu'à Mayotte, où seulement 69% des candidats obtiennent le précieux sésame. L'efficacité de l'école dépend beaucoup du public accueilli et notamment de ses origines socio-économiques. En Seine-Saint-Denis, par exemple, 28 % des enfants et de leurs parents, lorsque ces derniers sont en couple, vivent sous le seuil de pauvreté. Dans le Pas-de-Calais, 43% des personnes en famille monoparentale subissent la même situation. Et ces bas revenus peuvent avoir un effet sur la scolarité des enfants, notamment en termes de dépenses d'éducation. Dans les deux départements, la part de jeunes âgés de 16 à 25 ans sans diplôme et ne poursuivant pas d'études atteint respectivement 14,5% et 13,4%, quand la moyenne nationale est de 10,1%.
En Bretagne, très peu de jeunes sans diplômes. Le niveau de diplôme des parents peut lui aussi avoir des répercussions sur le parcours des élèves. À Mayotte par exemple, 78% des parents de référence sont "sans diplôme", c’est-à-dire ayant tout au plus le brevet des collèges. Si c'est beaucoup le cas dans les DOM-TOM (63 % en Guyane et 44 % à La Réunion), la Seine-Saint-Denis, avec 40%, devance la Guadeloupe (35 %) et la Martinique (31 %). La Bretagne, quant à elle, affiche d'excellents résultats avec seulement 13% des parents de référence sans diplôme.
Hasard, reproduction sociale ou efficacité du système éducatif, la région compte parmi les plus faibles taux de jeunes âgés de 16 à 25 ans ayant quitté l'école sans décrocher le moindre diplôme : seulement 6,9 %, juste derrière Paris et ses 4,5%. "Cependant, la population bretonne est plus homogène qu'ailleurs et connaît moins de difficultés socio-économiques qu'ailleurs", note Fabienne Rosenwald, à la tête de la Direction de l’évaluation de la prospective et performance (Depp), le département statistiques du ministère de l’Éducation, à l'origine du rapport.
"Les mécanismes en jeu ne sont pas si simples". "Mais on ne sait pas ce qu'il se passerait si l'école n'était pas là. Il y a un siècle, il y avait une proportion d'illettrés très très forte dans la région. Les mécanismes en jeu ne sont pas si simples", rappelle-t-elle. L'exemple du Val-de-Marne en est la preuve : le département compte à la fois une part élevée d’enfants dont le parent de référence est sans diplôme (26 %) et une part également forte d’enfants dont le parent de référence a au moins le baccalauréat (57 %).
Des facteurs aussi nombreux que divers. Les facteurs de réussite scolaire sont en réalité nombreux. "S'ils peuvent être socio-économiques, ils peuvent aussi être relatifs au territoire lui-même, à l'histoire de ce territoire, à l'environnement…", explique Fabienne Rosenwald. "Dans l'Est, l'apprentissage est particulièrement valorisé. Cela explique pourquoi on observe davantage de réussite via l'enseignement professionnel", continue la directrice de la Depp.
Le rapport décortique ainsi tout un tas de données qui peuvent aider à comprendre les disparités territoriales observées. Cela peut aller du taux de surcharge pondérale au temps passé devant les écrans ou, plus évident, de la composition familiale. "Un parent manquant peut être un soutien en moins pour l’élève", souligne le document, qui fait état de grands écarts d'un département à l'autre. En Martinique et en Guadeloupe, près de la moitié des enfants sont dans cette situation (48 % et 46 %). À l’inverse, la part d’enfants de 0 à 17 ans vivant dans une famille monoparentale est de 13 % en Vendée et en Mayenne.
Zones rurales/zones urbaines. Dans les zones rurales, la situation s'avère souvent paradoxale, rappelle Fabienne Rosenwald. "Si le rural de la montagne ne ressemble pas au rural de la plaine, les tailles de classe y sont en général beaucoup plus faibles, ce qui est bien mieux, mais les offres à la sortie sont moins nombreuses". Au collège par exemple, les élèves sont en moyenne 21,3 dans une classe de Lozère et 21,6 dans le Cantal. Inversement, c'est en Île-de-France que les professeurs se retrouvent face au plus grand nombre d'élèves : 26,5 élèves dans les Hauts-de-Seine, 25,9 à Paris et 25,7 dans le Val-d’Oise, l’Essonne, le Val-de-Marne et les Yvelines. Et seulement 7,1% et 8,2% des élèves de Lozère et du Cantal ont quitté l'école sans diplôme en 2013. Un chiffre supérieur à la moyenne, mais qui ne suffit pas à établir un lien direct. Dans les Yvelines par exemple, ce taux est quasiment semblable (7,4%). Preuve, une fois encore, que la réussite scolaire dépend de multiples facteurs.
Des disparités dans les dotations. En matière de dépense publique, le ministère de l'Éducation nationale a dépensé en moyenne 5.300 euros par élève ou étudiant en 2014 (3.350 euros pour un écolier, 5.790 pour un collégien, 7.880 € pour un lycéen et 8.450 € pour un étudiant). Et là encore, les disparités sont présentes. Elles s'expliquent en partie par "le poids de l’enseignement privé sous contrat, un élève y coûtant moins cher à l’État qui ne prend pas en charge la restauration et l’hébergement supporté par les familles", explique "Géographie de l'École", qui rajoute que "la masse salariale des enseignants est moins élevée dans le privé, notamment en raison des statuts et du niveau des charges supportées par l’employeur".
En Bretagne ou dans les Pays de la Loire, où 40% des élèves sont scolarisés dans des structures privées, la dépense y est donc moins élevée. À l’inverse, les élèves de Lorraine, Champagne-Ardenne, Franche Comté, Bourgogne, Auvergne et Limousin, ainsi que les écoliers corses, coûtent davantage à l'État. La ministre Najat Vallaud-Belkacem l'assure, en introduction : "une politique éducative ambitieuse doit toujours articuler une vision d’ensemble, nationale, à la prise en compte de la singularité des territoires".