Hier encore, sa mère ne voulait pas y croire. Jeudi matin, le second tueur de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray a été formellement identifié, grâce à la comparaison avec le profil génétique de sa mère, dont l'ADN a été prélevé dans la nuit de mardi à mercredi. Agé de 19 ans, Abdel Malik P., qui n'avait pas de casier judiciaire, venait tout juste d'apparaître dans les radars des services antiterroristes.
Il y a un an, le jeune homme, né à Saint-Dié-des-Vosges le 14 novembre 1996, avait obtenu son bac pro section commerce. Depuis, il faisait de l'intérim à l'aéroport de cette commune savoyarde ou dans un magasin du centre-ville, après avoir enchaîné des stages dans la vente. Sur son curriculum vitae, il indiquait aimer les films de science-fiction, les jeux vidéo, la musique et la boxe anglaise.
Un Savoyard de 19 ans. Abdel Malik P., qui a grandi dans une famille recomposée, d'abord dans l'est de la France, avant de déménager à plusieurs reprises - dans l'Allier puis en Haute-Savoie - vivait depuis un an avec sa mère et sa sœur de 17 ans au quatrième étage de l'immeuble d'un quartier HLM rénové, à Aix-les-Bains, en Savoie. A plus de 700 km de l'église où il a fait irruption, mardi matin, à l'heure de la messe, avec son complice Adel K., avant de tuer le prêtre et de blesser grièvement un paroissien.
Dans une vidéo diffusée mercredi soir par l'Etat islamique, on voit les deux jeunes hommes se tenant la main, turbans sur la tête, prêter allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'organisation.
Sa carte d'identité retrouvée chez Adel K. Si Adel K. s'était radicalisé depuis la tuerie de Charlie Hebdo, qui avait agi chez lui comme un déclencheur, et était connu des services antiterroristes pour avoir tenté par deux fois de se rendre en Syrie, Abdel Malik P. était lui inconnu de la justice française. C'est ce qui a retardé son identification, son visage ayant été défiguré par les balles des forces de l'ordre lors de l'assaut donné à Saint-Etienne-du-Rouvray. Et ses empreintes digitales et son ADN n'apparaissant dans aucun fichier. Si les policiers ont pu remonter sa trace, c'est grâce à sa carte d'identité. Ils ont en effet retrouvé celle-ci au domicile de l'autre assaillant, Adel K., qui vivait chez ses parents à Saint-Etienne-du-Rouvray. L'enquête montre aussi que les deux hommes ont eu plusieurs échanges téléphoniques.
A partir de ces premiers éléments d'investigations, les enquêteurs sont donc remontés jusqu'à Aix-les-Bains, où vivait Abdel Malik P, et ont notamment perquisitionné le domicile familial. Sa mère, auditionnée par les policiers, a confié au micro d'Europe 1 qu'elle refusait de croire que son fils soit impliqué dans cet attentat : "Il est tout doux, il n'est pas nerveux du tout. Mon gamin, je ne le sens pas capable de faire ces conneries à deux balles, il n’est pas du tout ce personnage-là, c’est pas possible." Son fils lui avait envoyé un dernier message, lundi soir. Depuis, elle n'avait plus de nouvelles.
Fiché "S" depuis à peine un mois. Dans le quartier Franklin à Aix-les-Bains, c'est l'incrédulité générale. Notamment à la mosquée que fréquentait le jeune homme, à quelques pas de là. "On n'a jamais eu de problème avec lui. Pas de remarque étrange, toujours souriant... Tous les fidèles sont choqués car ils le connaissaient pour sa gentillesse, son calme. On n'a jamais eu un signe de radicalisation. Qu'est-ce qui s'est passé dans sa tête?", s'interroge Djamel Tazghat, le président de l'association qui gère ce lieu de culte.
Pourtant, sa radicalisation avait été récemment signalée. Il y a à peine un mois, le 29 juin, une fiche "S" a été établie à son nom par la DGSI, après qu'il a tenté de rejoindre la Syrie, via la Turquie. Parti le 10 juin dernier, il en était revenu dès le lendemain après avoir été repéré par les autorités. Mais celles-ci n'ont prévenu les services français que "fin juin", d'après des sources proches de l'enquête. Abdel Malik P. était donc déjà rentré en France en toute légalité.
Objet d'un signalement étranger. En outre, une deuxième alerte a été émise, vendredi dernier, sur Abdel Malik P. Cette fois, elle a lieu au niveau de l'UCLAT, l'unité de coordination de la lutte antiterroriste. Les services antiterroristes français reçoivent un renseignement étranger, signalant un suspect près à commettre une attaque en France, avec la photo d'un jeune homme. Mais sans son identité. L'alerte est alors envoyée immédiatement à tous les services de police, de gendarmerie et des douanes... Mais, difficile de retrouver un suspect sur la base de son seul visage.