Sandra Forgues a 48 ans. Mais peut-être la connaissez-vous sous son ancien nom de Wilfrid Forgues, champion olympique de canoë en 1996 aux JO d'Atlanta ? Chez Christophe Hondelatte mercredi, elle revient sur son changement de sexe.
Une vie de canoë. Wilfrid Forgues a 27 ans lorsqu'il devient champion olympique de canoë, aux côtés de Frank Adisson, lors des Jeux olympiques d'Atlanta. Qui peut imaginer qu'à ce moment-là, quelques années plus tard, il deviendra Sandra ? Peut-être même pas lui.
Depuis tout petit et son enfance à Gerde, dans les Hautes-Pyrénées, Wilfrid Forgues est plus qu'intrigué par les filles. À sept ans, il est jaloux de ses cousines, de ses copines. Il aime s'habiller en femme, en piquant des robes à sa mère, en se fabriquant des bijoux.
À côté de ça, Wilfrid est bon en sport, si bien qu'en terminale, il fait un choix important. Le plaisir de se déguiser en femme et d'en être une, il le met de côté. Il se lance totalement dans le sport et intègre le pôle France de canoë-kayak, et s'y consacre à 100%. À 20 ans, il rencontre Fabienne. Ensemble, ils auront rapidement deux enfants. Wilfrid partage sa vie entre les études de mathématiques en semaine et les entraînements le reste du temps. Il décide aussi de créer un groupe de musique. Son agenda déborde. Wilfrid remplit sa vie pour ne pas avoir à affronter son désir d'être une femme. "Si ça n’avait pas marché en canoë, si j’avais arrêté plus tôt, j’aurais craqué avant", confie aujourd'hui Sandra Forgues au micro d'Europe 1.
Le choix d'être Sandra. Les Jeux olympiques de Sydney, en 2000, signe la fin de sa carrière. Un gros vide dans sa vie, qu'il remplit, en partie, en créant une société d'informatique et en prenant la présidence du comité régional de canoë-kayak. Les années passent, son désir de féminité est de plus en plus important, de plus en plus ardent, difficile à maîtriser. Un jour, en 2016, sa femme tombe sur des vêtements féminins. C'est l'heure de la grande explication. Wilfrid lui dit tout. Elle s'en doutait un peu, ils se séparent. Wilfrid décide alors d'être pleinement heureux et de devenir Sandra.
Outre les démarches administratives et médicales (rendez-vous chez le psychiatre et l'endocrinologue, prise de médicaments hormonaux), il faut maintenant l'annoncer aux amis, à la famille, mais aussi à ses enfants. "Ce fut une période difficile pour moi et pour tout le monde", ne cache pas Sandra Forgues. Pour les enfants, encore adolescents, cette nouvelle, en plus du divorce, est compliquée à accepter. "Plus qu’une simple séparation, il y avait la perte du repère du père", souligne Sandra Forgues. "Il a fallu deux ans pour digérer, comprendre, (…) Maintenant, ils me soutiennent à fond."
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"Il y a encore des difficultés pour beaucoup d’entre nous". La prise des médicaments hormonaux commencent alors à faire ses premiers effets, très voyants. Le corps de Wilfrid change pour devenir celui de Sandra. En août 2017, il y a encore un milieu qui n'est pas au courant : le monde sportif, du canoë. Sandra Forgues est présidente du Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) de Toulouse. Mais là-bas, elle s'habille encore un homme, jusqu'à ce jour d'été 2017 où elle décide de tout révéler. Un long discours où elle raconte sa vie, ses doutes identitaires, ses difficultés et son choix. La réponse de l'assemblée ? Des applaudissements, des encouragements et un leitmotiv : Wilfrid ou Sandra, cela ne change rien.
En mars 2018, elle accepte une séance photo avec le journal L'Équipe. Dans la foulée, tous les médias la réclament pour faire son portrait. Trois mois plus tard, elle change officiellement d'état civil pour devenir Sandra Forgues. La prochaine étape ? Mars 2019, en Thaïlande. Sandra y subira l'opération de changement de sexe qui fera d'elle une femme, définitivement. "En Thaïlande, les mœurs ont intégré la transidendité depuis très longtemps et de nombreux chirurgiens se sont penchés sur la question, bien avant les Français et d’autres pays", souligne-t-elle pour expliquer le choix du pays. "En France, il y a encore des difficultés pour beaucoup d’entre nous", conclut la championne olympique.