Une étude de France Stratégie s'intéresse à la perte des revenus des parents après une séparation.
Les parents qui se séparent perdent en niveau de vie après une séparation. Mais, contre toute attente, le coût net des enfants est plus élevé pour celui qui n'en a pas la garde, révèle jeudi une étude de France Stratégie, un organisme de réflexion et de recommandations au gouvernement, rattaché à Matignon. Précisions.
Un barème en question. En cas de séparation, le partage des coûts relatifs à l'enfant donne lieu à un contentieux important : en 2008, plus de 150.000 décisions de justice ont été rendues concernant le montant de la pension alimentaire. Depuis 2010, le ministère de la Justice propose, à titre indicatif, une table de référence pour le calcul des pensions alimentaires : pour un enfant, 18% des revenus du parent "non gardien" en cas de garde "réduite", 13,5% en cas de garde "classique" (un week-end sur deux et la moitié des vacances), 9% en cas de garde alternée. Un total de 73% des enfants de parents passés devant un juge résident chez la mère, 17% en résidence alternée et 10% chez le père, selon des chiffres de 2012.
La pertinence de ce barème est mise en question par l'un des auteurs de l'étude, Pierre-Yves Cusset : "l'application du barème aboutit, en l'état actuel de la législation socio-fiscale, à ce que le sacrifice de niveau lié à la charge des enfants est sensiblement plus important pour le parent non gardien que pour le parent gardien", souligne-t-il. "Ce résultat ne remet pas en cause le fait que la séparation est toujours plus douloureuse financièrement pour celui des deux conjoints qui a les revenus les plus faibles", précise-t-il.
Des simulations de calcul éloquentes. Grâce à un logiciel de micro-simulation (OpenFisca) appliquant le barème de la Chancellerie pour la pension alimentaire mais prenant en compte les effets des économies d'impôts et prestations sociales liées aux enfants, l'étude a calculé le coût net des enfants après une séparation. Pour un couple où chacun des parents gagne 1,5 Smic, et ayant deux enfants de moins de 14 ans en garde "classique", le parent ayant la garde de l'enfant bénéficie d'un avantage socio-fiscal de 4.225 euros, alors que le parent non gardien ne bénéficie que de 557 euros, correspondant à la déduction de la pension alimentaire de ses revenus imposables.
Lorsqu'ils vivaient en couple, les parents consentaient à eux deux un sacrifice de niveau de vie de 23% par rapport à une situation où ils n'auraient pas eu d'enfants. Après la séparation, en garde classique, ce sacrifice est de 23% pour le parent gardien et 31% pour l'autre parent. En garde alternée, le sacrifice est de 4% pour le parent bénéficiant de la pension alimentaire et de prestations sociales ne pouvant faire l'objet d'un partage (allocation de rentrée scolaire par exemple), et de 31% pour l'autre parent.
D'autres niveaux de revenus ont été étudiés, et le même phénomène observé. Dans une situation médiane où le parent "gardien" gagne un smic et l'autre 1,5 smic, le sacrifice de niveau de vie lié aux enfants est de 16% pour le premier, 31% pour le second. Ce phénomène peut empêcher, si les ressources du parent non gardien sont faibles, le bon exercice de son droit de visite et d'hébergement", observe l'étude.
Faut-il changer les règles ? Au vu de ces résultats, les auteurs de l'étude jugent souhaitable "de modifier la législation socio-fiscale, pour qu'elle prenne mieux en compte la situation des parents séparés", ou de "modifier la table de référence pour le calcul des pensions alimentaires". Il faudrait "a minima" proposer aux juges et aux parents un outil permettant de prendre en compte l'impact des économies d'impôts et prestations sociales liées aux enfants, relève ainsi l'étude.