C'était presque passé inaperçu, en pleine période d'attentats. Fin novembre, les visiteurs médicaux du laboratoire Servier ont appris la suppression de 610 emplois sur un total de 690. Pour la première fois, ceux qu'on appelle les "bébés Servier" expriment leur amertume.
"Tout s'est écroulé au moment de l'annonce". Jacqueline ne s'en remet toujours pas. Embauchée il y a 38 ans, elle se retrouve aujourd'hui licenciée. "Tout s'est écroulé au moment de l'annonce", raconte cette visiteuse médicale. "Pour moi, ma vie, ma carrière avait commencé chez Servier, elle finirait chez Servier. J'ai grandi professionnellement et à titre personnel dans cette entreprise. On n'est pas armé pour affronter le marché de l'emploi, le monde extérieur. On est dans un cocon", explique-t-elle.
Naissance, "Renaissance" et désespoir. Ce sentiment de protection, Fabrice l'a lui aussi ressenti, quand il est arrivé dans l'entreprise, il y a 17 ans. "On entrait chez Servier un peu comme on entrerait en religion, c'est-à-dire qu'on choisissait ce laboratoire. On était recrutés selon des critères très particuliers. Il y avait des enquêtes de moralité très poussées. J'ai toujours gardé ma confiance dans ce laboratoire", explique-t-il. Une confiance absolue, même quand la direction présente un plan pour sauver les emplois, il y a un an et demi. Son nom : "Renaissance". "Quelle ironie aujourd'hui d'avoir appelé ce plan avec ce nom. Le but de ce plan était de remettre les délégués médicaux en ville. C'était vraiment l'espoir et le futur du laboratoire, et puis dix-huit mois après on nous dit que non, on n'a plus besoin de nous finalement", confie une autre salariée.
Un conseiller de choix. Pour se défendre, les visiteurs médicaux disposent d'un conseiller de choix, en la personne de Thomas Hollande, le fils du président. Jeune avocat, spécialiste des conflits sociaux, il avait déjà défendu le CE des salariés de Mory Ducros, dont le plan social a finalement été annulé en décembre dernier.