Souffrant d'hyperphagie, Dominique est en surpoids : "Je ne peux plus me supporter"

  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à

Dominique est hyperphagique. N’arrivant pas à s’endormir, elle se lève la nuit et mange compulsivement sans avoir faim. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Dominique déplore le manque de prise en charge pour les personnes en surpoids souffrant de troubles alimentaires.

Dominique souffre d’hyperphagie, un trouble qui se caractérise par des épisodes de pulsions alimentaires. Elle ne mange pas dans la journée, mais se lève la nuit pour manger compulsivement. Ce n’est qu’une fois repue qu’elle parvient à s’endormir. À cause de ses crises d’hyperphagie, Dominique est en surpoids. Elle explique qu’elle ne peut pas être prise en charge à l’hôpital parce qu’elle n’est pas obèse. Elle ne trouve pas non plus de nutritionniste spécialisé dans les troubles alimentaires. Sur "La Libre antenne", Dominique se désole de ne pas être prise en charge correctement.

"J'ai 67 ans. Depuis que je suis adolescente, j'ai des problèmes avec la nourriture. Je suis passée de phases anorexiques à boulimiques. Depuis une vingtaine d’années, je suis hyperphagique, c’est-à-dire que je suis boulimique non-vomitive. J'ai de gros problèmes psychologiques. Je ne suis pas obèse, mais en surpoids. Je ne peux plus me supporter. Je me déteste. Je suis vraiment mal dans ma peau. Au fur et à mesure de ma vie, je me suis rendu compte que ma mère avait des problèmes avec le poids. Ma sœur est anorexique. J'ai perdu ma nièce de 26 ans, à cause de l'anorexie. Quand j'ai perdu ma nièce il y a une vingtaine d'années, mes pulsions ont redoublé. 

Je n’arrive pas à m'en sortir. J'essaye par tous les moyens de trouver des structures, mais je n'y arrive pas. Là où j'habite, il n'y a aucune structure pour accueillir les gens en surpoids. J'ai bien essayé, mais si vous n’avez qu’une quinzaine de kilos à perdre, il n’y a aucune structure. On me dit que je ne suis pas assez grosse parce que je n’ai qu’une quinzaine de kilos à perdre. Pour moi, c'est énorme. C'est désolant. Je suis complètement perdue. 

" Il faut être obèse pour être pris en charge "

Je suis suivie à l'hôpital, mais ils me disent qu’ils ne peuvent pas me prendre en charge, parce que j’ai un indice corporel en-dessous de 30. Il faut être obèse pour être pris en charge. Donc, je ne peux pas être suivie au service de nutrition. Je ne sais pas si c'est normal, mais c'est comme ça. J'ai demandé à l'hôpital s'il y avait des spécialistes pour les troubles alimentaires. Il y a un psychiatre, mais c’est la croix et la bannière pour avoir un rendez-vous. Je ne sais plus où aller. 

J’avais une amie qui pesait 110 kilos. Elle a tout de suite été prise en charge par le service de nutrition et le service d’addictologie. Moi, je ne peux pas être prise en charge. Je suis suivie par une nutritionniste dans le privé, mais elle n'est pas spécialisée dans les troubles alimentaires. Elle ne peut pas m’aider comme un médecin spécialisé. Il n’y a pas de nutritionnistes spécialisés dans les troubles alimentaires là où j’habite. Le médecin que j'ai vu à l'hôpital m’a dit que c’était très mal desservi pour ces problèmes, alors que c'est quand même une grande ville. 

" Il faut que je mange tout ce qui me tombe sous la main "

Je ne suis pas obèse, mais dans ma tête je suis aussi mal que quelqu'un qui fait 100 kilos. Je fais des crises d'anorexie, je ne mange pas de la journée. Je mange 200 ou 300 calories pendant la journée. En revanche, je mange le soir. Je fais des crises de boulimie la nuit. Je m'endors, mais je me réveille une heure après. Il faut que je descende et que je mange tout ce qui me tombe sous la main, du sucré, du salé...

Je me fais des pâtes et du riz. Comme je vis toute seule, je n'ai pas grand-chose dans mon frigo. J'essaye de ne pas trop acheter à manger, mais je trouve toujours quelque chose à manger. Je me fais cuire un kilo de pâtes. Je suis capable de manger du sucre et de manger des quantités industrielles de nourriture. Ce sont des pulsions. Impossible de m’arrêter. Je ne peux pas m’en sortir. J’essaye, mais je ne peux pas.

Ça m'a causé de gros problèmes de santé. Un soir, j’étais chez un ami. J’ai descendu l’escalier pour aller chercher à manger. J'ai dévalé tout l’escalier. Je me suis cassé le radius et l’humérus, et je me suis fracturé une vertèbre. Je suis restée couchée pendant 45 jours, tout ça à cause des crises de boulimie que je fais la nuit. Quand j’explique ça à des médecins et que je ne peux trouver aucune aide, ça me dégoûte.

Quand j’ai mangé comme ça, j'ai l'impression d'être un bébé qui pleure tout le temps, à qui on donne un biberon et qui finit par s’endormir parce qu'il est repu. Je n'arrive à m'endormir que quand je suis repue. Sinon, je n'y arrive pas. Je suis comme un bébé à qui on a donné le biberon, qui se calme et qui arrive à s'endormir. Je suis toute seule, mais je ne m’ennuie pas. J’ai perdu mon mari. Ça fait 12 ans qu'il est décédé. Mais ça avait commencé avant."