Souria, 57 ans, vit avec son mari en Vendée. Devenue assistante familiale en 2008, elle accueille chez elle des mineurs en difficultés sociales, qui parfois doivent être placés pour échapper à un contexte familial violent. Au micro d'Olivier Delacroix, cette mère de famille explique en quoi cette profession, pas vraiment comme les autres, nécessite un fort investissement émotionnel.
"Je m'occupais de la saison culturelle d'une ville des environs. Et j'étais loin d'imaginer ce monde parallèle des enfants maltraités. Quand on a soi-même été parent, que l'on a élevé ses enfants, on n'imagine même pas qu'il puisse y avoir autant de souffrances en France.
[…] J'ai une maison qui est faite pour le partage, qui a toujours été faite pour le partage. […] Quand on m'a parlé de cette profession, j'ai mis un sacré bout de temps avant de me dire : 'Oui, c'est pour nous !' On a commencé cette profession, mais en fait, on va dans l'inconnu, obligatoirement.
[…]
On a une formation obligatoire, mais on ne peut jamais être préparé parce que l'on parle d'humain, et on ne sait pas du tout quel enfant on va recevoir, ni comment lui va nous recevoir. C'est énorme pour lui, comme pour nous. La rencontre se fait, ou pas, et on est obligé de faire avec.
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Souria touche entre 700 à 800 euros brut par mois pour chaque enfant accueilli, mais pour elle, sa principale rétribution reste ces petits "instants" de bonheur partagés avec ses jeunes protégés
Une enfant que vous recevez peut être complètement désincarnée. Vous lui dites des petites phrases de tous les jours. Ça peut-être à table, avec plein de monde : 'Tiens, le bonheur existe, il est là. On est en train de le vivre, c’est ça'. Quand on lui explique que son enfance n'est qu'un tout petit bout de sa vie, mais que, derrière, il y a le bonheur si elle le décide, et qu'il n'y a aucune raison qu'elle ne l'atteigne pas, et que vous la voyez s'incarner, s'incarner réellement, c'est… immense !
Actuellement, cette famille d'accueil héberge un jeune Pakistanais, tout juste majeur et donc sur le point de prendre son envol. L'appréhension du départ rappelle à Souria qu'il est nécessaire de savoir prendre ses distances pour ne pas craquer émotionnellement.
Il est en partance, il a 18 ans. Je suis dans le cadre du 'contrat jeune majeur 'qui, je l'espère, va être mis en place [dispositif d'accompagnement et d'aide à l'insertion professionnelle pour les jeunes en difficultés sociales, ndlr]. Mais, de toute façon, il reste avec nous…
Il [suit une formation] dans la cuisine. En mangeant, on parlait du Pakistan, et mon conjoint lui disait qu'il pourrait faire ça là-bas, […], que ça pourrait être super. […] Il répondait : 'Ah ouais, ça serait bien !' Moi, j'en avais gros sur le cœur. Je lui souhaite, mais j'ai dit : 'Attends, je ne te verrais plus…' Toute la famille a déjà prévu d'aller au Pakistan.
[...]
Mon mari a ses passions, la musique, moi j'ai fait d'autres formations. Je suis allée, par exemple, vers le shiatsu [technique de massage d'origine japonaise, ndlr]. Je conseille à tous les assistants familiaux de ne pas avoir la tête dans le guidon tout le temps, c'est trop difficile. On a un tel poids sur les épaules…"
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