Un juge des référés du tribunal administratif de Paris va examiner mardi les recours en urgence déposés par deux femmes retenues avec leurs enfants dans le camp de Roj au Kurdistan syrien pour contraindre l'État français à les rapatrier, ont indiqué leurs avocats.
Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth, qui assurent conjointement la défense de ces deux femmes, ont déposé deux référés-liberté pour que la justice administrative oblige le ministre des Affaires étrangères à "procéder au rapatriement de ces deux familles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale au droit de la vie des enfants mineurs détenus". Les deux femmes ont chacune trois enfants, âgés de un an et demi à huit ans. L'audience doit se tenir à 15 heures devant le tribunal administratif de Paris.
L'épineuse question des enfants de djihadistes français
"C'est un débat judiciaire sans précédent", ont estimé Me Bourdon et Me Brengarth. "C'est la première fois que le ministère des Affaires étrangères va devoir s'expliquer devant un juge de son refus de rapatrier les enfants qui se trouvent en Syrie dans les camps contrôlés par les forces kurdes", ont-ils poursuivi.
Le gouvernement français refuse de rapatrier ses ressortissants, djihadistes et épouses, affiliés à l'organisation État islamique (EI) et n'accepte de ramener les enfants qu'au "cas par cas". Cinq orphelins ont ainsi été rapatriés le 15 mars et une fillette de trois ans, dont la mère a été condamnée à la perpétuité en Irak, l'a été le 27 mars.
Une question de "protection de l'intérêt de l'enfant"
Dans leurs recours, les avocats font valoir que "le maintien dans le camp de Roj expose les enfants mineurs à des traitements inhumains et dégradants et à un risque de mort, imposant que soit mis en oeuvre leur rapatriement dans les plus brefs délais". Ils soulignent qu'un incendie survenu sur le camp a déjà occasionné la mort "d'au moins trois enfants et plusieurs dizaines de blessés".
Les conseils de ces deux femmes avaient déjà saisi le tribunal administratif en décembre, mais leur recours avait été rejeté. Ils avaient ensuite déposé un recours devant la Cour européenne des Droits de l'homme (CEDH), là aussi sans succès. Dans leur nouvelle démarche, les avocats s'appuient notamment sur "l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt de l'enfant", consacrée par une récente décision du Conseil constitutionnel sur les tests osseux réalisés sur les jeunes migrants. Ils soulignent par ailleurs que le rapatriement des enfants "ne pourra intervenir qu'avec leur mère", la protection du droit à la vie des mineurs ne pouvant "être dissociée de leur droit à ne pas être séparés de leur mère".