Comment gérer les "attroupements" de fumeurs devant les lycées ? Le syndicat des proviseurs (SNPDEN) a tenu jeudi sa conférence de rentrée. Et selon Philippe Tournier, secrétaire national, ses "attroupements constituent une faille majeure" dans le dispositif de sécurité des lycées, mis en place pour contrer la menace terroriste.
Après les attentats du 13 novembre, le ministère de l'Intérieur avait temporairement permis aux lycées d'autoriser les élèves à fumer pendant les pauses dans des espaces dédiés, "des zones spécifiques", pour éviter qu'ils s'attroupent sur les trottoirs. Mais des associations anti-tabac avaient attaqué la décision. Et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val d'Oise) avait suspendu, en avril, la décision prise par un chef d'établissement de Courbevoie (nord de Paris) d'autoriser les élèves à fumer dans la cour.
" On a pourtant modifié la loi Evin pour les viticulteurs ! "
Dans une ordonnance citée par Le Monde, le tribunal demandait au proviseur du lycée Paul-Lapie de Courbevoie "d’assurer le respect des dispositions du code de la santé publique interdisant de fumer dans les établissements scolaires". "C’est la confirmation de l’illégalité de toutes les zones fumeurs dans les lycées, y compris dans les espaces non clos", s'était réjoui Stephen Lequet, chargé des relations institutionnelles au sein de l'association Droit des non-fumeurs.
Peu après, Najat Vallaud-Belkacem, avait pris la parole pour soutenir la décision du tribunal, assurant parler au nom de tout le gouvernement. "Fumer est interdit au sein des établissements scolaires. Donc, ça n’est pas parce que nous cherchons à éviter les attroupements, notamment aux abords des lycées, qu’il faut permettre aux élèves de fumer à l’intérieur des lycées. (…) En droit comme politiquement, la question est donc tranchée, même s’il reste du travail pour convaincre les proviseurs", avait martelé la ministre de l'Education.
Mais le SNPDEN ne compte pas s'arrêter là. Le syndicat va saisir plusieurs groupes parlementaires pour obtenir une dérogation temporaire à la loi Evin, qui interdit de fumer dans les établissements scolaires. "Cette question irrite beaucoup nos collègues" et "est symptomatique de la non-prise de décision" au ministère de l'Education, dénonce jeudi Philippe Tournier, cité par l'AFP. "On a pourtant modifié la loi Evin pour les viticulteurs !", renchérit le leader du syndicat, en référence à un assouplissement de la règlementation sur la publicité pour l'alcool en juin 2015. "On est aujourd'hui en état d'urgence. Tout le monde peut voir ce qu'on peut faire avec une camionnette" qui foncerait sur un attroupement de lycéens, ajoute le responsable syndical. "Le seul moyen efficace" de lutter contre une telle menace est l'instauration de zones fumeurs au sein des établissements, car "il n'est pas possible, d'un point de vue moral de prendre un tel risque", poursuit-il.
" Ma priorité est d’assurer la sécurité de mes élèves "
Certains proviseurs, d'ailleurs, n'hésitent pas à braver la loi et à installer des zones fumeurs. C'est par exemple le cas de Sylvie (prénom modifié), qui témoignait jeudi dans 20 minutes : "C’est compliqué de se mettre hors la loi. Mais ma priorité est d’assurer la sécurité de mes élèves. S’il leur arrivait quelque chose, ce ne serait pas ma faute pénalement, mais je me sentirais moralement responsable".
"Environ 500 élèves sortaient devant l’établissement lors des trois récréations, soit pour fumer, soit pour accompagner les fumeurs. Et le trottoir devant l’établissement fait 12 mètres de large, on peut facilement y faire circuler un véhicule", raconte encore cette proviseure, assurant avoir le soutien des parents et des enseignants. Selon le journal, deux associations anti-tabac ont saisi le tribunal pour forcer son lycée à fermer les zones fumeurs. Pourtant, Sylvie se défend de toute incitation au tabagisme : "le message anti-tabac est seriné de la 6 eme à la terminale à tous nos élèves !"
Fin août dans les colonnes du Parisien, Philippe Laurent, le maire UDI de Sceaux avait déjà tiré les premières salves contre la loi Evin. "Les chefs d’établissements scolaires doivent faire face à une situation extrêmement complexe. Répondre aux enjeux de sécurité en période de menaces terroristes et à la loi Evin est possible", déplorait-il, appelant le gouvernement à " donner un peu de souplesse aux acteurs locaux qui connaissent parfaitement les réalités locales".