Tariq Ramadan est toujours sous les verrous. Soupçonné de viols, l'intellectuel musulman, écroué depuis février, attend désormais la décision du juge sur sa demande de remise en liberté. Le parquet et le magistrat instructeur se sont prononcés contre cette requête. Pour maître Emmanuel Marsigny, avocat de Tariq Ramadan, son client "ne bénéfice pas d'un traitement équitable". Au micro d'Europe 1, mercredi, il a contesté à la fois la sincérité des témoignages des plaignantes, et le travail des enquêteurs.
"Les deux premières plaignantes ont menti". "La présomption d'innocence est bafouée", estime l'avocat pénaliste. Plaignante après plaignante, Me Marsigny s'attache à souligner les failles de leur témoignage. "Les éléments d'investigation démontrent que les deux premières plaignantes ont menti. Madame Ayari (la première femme qui a porté plainte contre Tariq Ramadan, ndlr), qui se plaint sur les plateaux de télévision de ne pas être aidée par la République, a décrit une chambre d'hôtel qui n'est pas bonne et a menti aux policiers en disant qu'elle avait cessé tout contact avec Monsieur Ramadan depuis 2012. Tout ceci s'est révélé inexact et ses propres témoins ont même déclaré qu'elle était mythomane", fait-il valoir.
La "santé mentale" de la deuxième plaignante remise en question. L'avocat pénaliste s'attaque ensuite à la deuxième plaignante, "Christelle". Celle-ci avait rapporté des "scènes de violence sexuelle d'une grande brutalité", qui se seraient déroulées dans un hôtel de Lyon, en octobre 2009. Une nouvelle fois, Me Marsigny met en doute sa sincérité, au point d'interroger sa santé mentale. "Elle raconte en 2010 qu'elle a subi des pressions des renseignements généraux, que le président de la République est prêt à lui payer le meilleur avocat de France pour déposer plainte contre Monsieur Ramadan, puisque le président veut le chasser. Ce n'est pas la défense qui le dit, c'est la plaignante qui l'écrit. Soit c'est une affaire d'Etat et il faut faire une enquête immédiatement, soit il faut s'interroger sur sa santé mentale", dénonce le conseil.
La "loyauté des services de police" mise en doute. L'avocat du prédicateur s'interroge également sur "la loyauté des services de police", "qui ont notamment dissimulé dans des scellées des éléments à décharge pour Monsieur Ramadan. Nous avons trouvé des emails qui datent des jours suivant les faits de viol dont elle se plaint. Elle raconte une version totalement différente de ce qu'elle raconte à la police aujourd'hui. Les policiers qui avaient ces éléments ne l'ont même pas interrogée dessus. Elle a par ailleurs versé une photo, soit disant prise le lendemain des faits, censée attester des coups qu'elle a subis. Cette photo n'avait pas été imprimée, elle l'a été à ma demande et elle ne montre rien", explique Me Emmanuel Marsigny.
Une relation non contestée avec la troisième plaignante. Enfin, l'avocat évoque la troisième plaignante, "Mounia, la fille du Carlton", précise-t-il. Mère de famille, quadragénaire, elle accuse l'islamologue de viols, de violences, de menaces et de chantage. Les faits remonteraient aux années 2013 et 2014, mais sa plainte n'a été déposée que début mars dernier. Contrairement aux deux premières plaignantes, cette ancienne escort-girl rapporte des faits répétés, qui se seraient produits dans différents hôtels dont elle a conservé les notes et numéros de chambre. "Monsieur Ramadan connaît Mounia, il ne l'a jamais contesté. Il a eu une relation avec elle qui n'est pas celle qu'elle a décrite", assure l'avocat pénaliste. Mais refuse cependant de préciser la nature de cette relation, avant la prochaine audition de son client prévue le 5 juin.
Tariq Ramadan veut s'expliquer. Là encore, la bonne foi des services de police est mise en doute, selon l'avocat. "Mounia a dit qu'elle avait décrit aux services de police ce qui lui était arrivé, à savoir d'avoir été violée neuf fois, pendant plusieurs mois. Elle a dit 'quand j'ai raconté ça, on m'a dit que c'était du viol'. Alors est-ce que c'est elle qui le dit ? Est-ce que c'est ce qui s'est passé ? Ou est-ce que c'est ce qu'on aimerait qu'il se soit passé parce que Monsieur Ramadan est quelqu'un qui suscite un grand nombre d'animosité ?", questionne Me Marsigny.
"Tariq Ramadan est impatient de pouvoir être entendu, de pouvoir s'expliquer de manière calme et sereine. Il souhaite que sa cause puisse être entendue équitablement, et qu'on arrête de raconter n'importe quoi, y compris du côté de la magistrature", dénonce le conseil, pour qui son client est tout bonnement "présumé coupable".