Il passe à l'offensive. Emmanuel Macron entame mercredi une tournée en Europe de l'Est. Le chef de l'Etat va tenter de convaincre ses homologues tchèques, slovaques, roumains et bulgares d'accepter de durcir les règles en Europe pour encadrer le travail détaché. Une réunion est prévue à Bruxelles sur ce thème à la fin du mois d'octobre.
Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait insisté sur ce thème. Il y a aujourd'hui plus de 300.000 travailleurs détachés en France. Un domaine dans lequel la fraude à l'emploi est particulièrement élevé puisque la Direction générale du Travail a relevé 950 cas de fraude au travail détaché l'an passé, et plus de 600 autres depuis le début de cette année, selon les chiffres obtenus par Europe 1. La directive travailleurs détachés permet à une entreprise basée dans un autre pays européen d'envoyer des travailleurs en France, en payant les cotisations sociales dans son pays d'origine, mais uniquement pour une mission temporaire et à condition d'avoir toujours une activité dans le pays où elle est basée.
Des sociétés fantoches ne vivant que du travail détaché
Or, ces dernières années de nombreuses "coquilles vides" ont été créées, notamment en Europe de l'Est, celles-ci ne vivant que de l'envoi de travailleurs détachés. Ces sociétés fantoches sont parfois même le fait de chefs d'entreprise français. "On a traité un dossier sur un ressortissant français qui avait une société de transport routier. Il a créé une société en Slovaquie, licencié ses trente chauffeurs routiers français, et il a fait du faux détachement pour continuer la même activité, avec les mêmes clients, mais avec des chauffeurs slovaques, voire roumains. On était pratiquement à 2 millions d'euros de fraude", rapporte auprès d'Europe 1 le commandant De Decker, de l'Office Central de Lutte contre le Travail Illégal.
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L'infraction d'une autre entreprise, épinglée l'an passé à Marseille, représentait à elle seule un manque à gagner de 70 millions d'euros. Mais le montant global de cette fraude à l'Urssaf reste difficile à mesurer, dans la mesure où l'on ne connait que la partie émergée de l'iceberg. Les fraudeurs se livrent à des montages de plus en plus compliqués, avec des sociétés écrans dans plusieurs pays différents pour empêcher les enquêteurs de remonter la piste.
Le secteur du bâtiment gangrené par la fraude
Le secteur le plus concerné est celui du BTP : il représente les deux-tiers des amendes infligées. Surtout, l'ampleur des fraudes a fini par mettre en danger la survie même d'entreprises qui respectent les règles du jeu ; entre le travail dissimulé, les horaires à rallonge, ou le non-respect des règles de sécurité, elles font désormais face à une concurrence jugée déloyale.
Face à des ouvriers payés 4 ou 5 euros de l'heure et disponibles tard le soir et les week-end, Frédéric, le patron d'une petite entreprise de BTP à Paris, a ainsi bien du mal à rester attractif pour ses clients. Il a été contraint de revoir ses tarifs à la baisse, quitte à mettre son activité en danger. "Tous les devis sont maintenant sous évalués et on est obligé de se mettre au même niveau que des sociétés qui ne payent pas leurs charges en France. On travaille limite à perte", explique-t-il au micro d'Europe 1.
Le BTP emploie un quart des travailleurs détachés en France, obligeant les organismes de contrôle à davantage de vigilance. "Il y a une hypocrisie générale autour de tout ça. On est en train de totalement déstructurer le modèle économique et social du bâtiment en France", s'alarme Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment. "Pour vérifier que les chantiers ne tournent pas sept jours sur sept, dix heures par jour, eh bien il faut faire des contrôles tard le soir et le week-end pour lutter contre la fraude massive qui est celle du non-respect des règles sociales, d'hygiène et de sécurité", détaille-t-il. De son côté, l''inspection générale du travail souligne qu'elle a multiplié par trois le nombre de contrôles sur les chantiers l'an dernier, passant de 600 à 2.000 inspections par mois.