La cour d'appel de Paris a fixé mardi au 24 janvier 2017 le début du troisième procès de la catastrophe du complexe chimique AZF à Toulouse, dont l'explosion avait coûté la vie à 31 personnes en septembre 2001. Cette date avait déjà été avancée par les associations de victimes en mars.
Quatre mois de procès et 2.750 parties civiles. Ce procès exceptionnel pour sa durée - quatre mois jusqu'au 24 mai - et son nombre de victimes - 2.750 parties civiles recensées à ce jour - se tiendra dans la première chambre de la cour d'appel de Paris, une salle aux dorures d'apparat souvent réservée aux prestations de serments et "la plus vaste disponible", a expliqué la présidente Claudine Forkel. L'ensemble des débats sera retransmis à Toulouse au Centre de congrès Pierre Baudis, à l'exception de la période du 14 mars au 4 mai où, le Centre n'étant pas disponible, la retransmission se fera à l'Espace Vanel de la médiathèque de la ville.
Quinze ans après. Le 21 septembre 2001, 300 tonnes d'ammonitrate stockées dans un hangar en plein Toulouse explosent. La déflagration, qui souffle le complexe chimique AZF (Azote Fertilisants), est entendue jusqu'à 80 km à la ronde, faisant 31 morts et 2.500 blessés. Quinze ans après la catastrophe, les plaies sont encore à vif pour les victimes, dont plusieurs étaient venues assister à cette audience pour s'assurer que le procès se déroulera dans des "conditions matérielles satisfaisantes".
De rebondissements en rebondissements. Un premier procès, en 2009 à Toulouse, avait relaxé "au bénéfice du doute" Serge Biechlin, le directeur du site, et Grande Paroisse, propriétaire du site et filiale du groupe pétrolier Total. Mais en septembre 2012, la Cour d'appel de Toulouse condamne Serge Biechlin à trois ans de prison, dont un ferme, et 45.000 euros d'amende, et Grande Paroisse à 225.000 euros d'amende. Ultime rebondissement, la Cour de cassation avait ouvert en janvier 2015 la voie à un nouveau procès en cassant l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français avait notamment retenu la question de l'impartialité de l'une des magistrates de la cour d'appel qui était également vice-présidente d'une association proche de la Fédération nationale d'aide aux victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), partie civile lors du procès.
Les victimes prédisent un "fiasco". Ces tribulations judiciaires ont miné les victimes, qui ont redit mardi leur sentiment d'être "méprisées", "broyées". "Ce procès se tiendra sans les victimes!", "Cela aurait été moins cher que trois juges parisiens se déplacent à Toulouse plutôt que des dizaines d'avocats et des centaines de parties civiles à Paris", ont lancé des victimes. Les sinistrés s'étaient remis à espérer un procès dans leur ville, après des déclarations de la ministre de la Justice Christiane Taubira qui avait laissé entendre que la juridiction toulousaine pouvait "traiter la procédure". Le président de l'association des victimes du 21 septembre, Jean-François Grelier, a dit son "impression que ce sont les puissances financières qui décident" et prédit un "fiasco" pour ce procès parisien.
La présidente Claudine Forkel a pris le temps de répondre à chaque "inquiétude" ou "question" des parties civiles présentes : "Je comprends, mais c'est la Cour de cassation qui a désigné la cour d'appel de Paris. Aucun texte ne nous donne la possibilité d'aller siéger à Toulouse", a-t-elle expliqué. Dans l'après-midi, les associations de victimes ont prévu de se rendre devant le siège de Total à La Défense, pour réclamer justice.