Une violence «innommable»: un ex-salarié handicapé des Hauts-de-Seine poursuit le département

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avec AFP/Crédits photo : STEPHANE ROUILLARD / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Un quadragénaire, victime de "violences innommables" poursuit en justice son ex-employeur, le département des Hauts-de-Seine, après avoir vécu huit ans de sévices, harcèlement et humiliations de la part de ses collègues.

Un "enfer" d'une violence "innommable": Alexis Ratton, un ancien agent technique du département des Hauts-de-Seine atteint de troubles autistiques, accuse certains de ses supérieurs de lui avoir infligé pendant huit ans sévices, harcèlement et humiliations.

Après la condamnation au pénal de deux de ses "bourreaux" à une peine de prison avec sursis, confirmée en 2022 par la cour d'appel de Versailles, il poursuit désormais son ex-employeur devant la justice administrative pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Compression des testicules, fractures de la main, bâillonnement en sous-vêtement à une chaise puis épilation du corps au scotch, enfermement dans une poubelle, bras coincé dans une porte jusqu'à l'évanouissement: la liste des souffrances physiques décrite par Alexis Ratton est aussi longue que sordide.

Elle s'est accompagnée d'insultes, de propos humiliants sur son physique, d'attouchements, de menaces ou encore d'allusions à caractère sexuel. Des faits qui font "froid dans le dos" et dont "la gravité et la cruauté sont rarissimes", a décrit jeudi devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'avocat d'Alexis Ratton, Me Jean-Christophe Ménard, qui a réclamé pour son client 520.000 euros de dommages et intérêts.

Le rapporteur public, reconnaissant une "ambiance de travail structurellement problématique", a lui demandé une condamnation d'un peu plus de 220.000 euros, une somme qui tient compte de la perte de revenus du requérant et des préjudices subis.

De son côté, le département a rappelé avoir suspendu les agents impliqués dès la révélation des faits et s'être constitué partie civile au pénal. Il a dit aussi faire preuve de "compassion" envers Alexis Ratton mais nié sa responsabilité et toute défaillance.

"Nous ne contestons pas le principe d'une indemnisation, mais celui de la faute du service", où travaillait Alexis Ratton, a défendu son conseil, Me Louis-Ferdinand Lopez.

Séquelles

Recruté en mars 2008 par le département des Hauts-de-Seine et affecté à l'atelier serrurerie du centre technique départemental, Alexis Ratton, qui présente un retard de langage associé à des perturbations de la communication et des difficultés d'élocution, a été reconnu comme personne vulnérable.

Du début de son activité à la dénonciation des actes dans un document adressé, huit ans plus tard, par des collègues à sa mère, il a enduré des brimades répétées, le plus souvent maquillées en accidents du travail.

Ce calvaire a laissé de lourdes séquelles sur cet homme de 40 ans, qui s'est présenté au tribunal de Cergy en famille. A l'audience, son avocat a rappelé la prise de poids de près de 30 kilos de son client, ses crises d'épilepsie et ses tendances suicidaires.

Barbe taillée et lunettes rondes, Alexis Ratton décrit à l'AFP être pris "d'angoisses" et avoir "la boule au ventre" à chaque fois qu'il passe devant son ancien lieu de travail.

"Quand j'ai su ça, j'ai mis deux à trois mois à m'en remettre", raconte Paule Tanguy, sa mère, qui a poussé son fils à porter plainte."Ça a remis en question la cellule familiale", ajoute-t-elle, en s'empressant de détailler ses multiples efforts pour aider son fils à se reconstruire.

Paule Tanguy raconte aussi la culpabilité d'Alexis après le suicide d'un des responsables d'atelier mis en cause pendant l'instruction du dossier pénal. En arrêt maladie depuis 2016, le quadragénaire a trouvé refuge dans la peinture. Il espère pouvoir un jour exposer ses nombreux paysages et natures mortes. Il s'est également tourné vers la religion et doit prochainement se faire baptiser.

"Il y a d'autres gens dans la souffrance, qui se taisent pour plusieurs raisons", indique-t-il en référence à d'anciens collègues de travail. "Ce que je fais moi, ça aidera peut-être les autres".

La décision du tribunal administratif de Cergy sera rendue le 18 juillet prochain.