Valérie Bacot, "très clairement une victime" selon le ministère public, est ressortie libre, vendredi, de la cour d'assises de Saône-et-Loire, après avoir été condamnée à une peine symbolique pour l'assassinat de son mari proxénète. La mère de quatre enfants, âgée de 40 ans, a été condamnée à quatre ans de prison, dont trois avec sursis, ce qui lui a permis de ne pas être réincarcérée à la sortie du tribunal de Chalon-sur-Saône, considérant l'année qu'elle a déjà passée en détention provisoire.
Un tonnerre d'applaudissements à la lecture du verdict
Les membres de la cour d'assises sont ainsi allés plus loin dans la clémence que le ministère public qui avait déjà requis une peine modérée de cinq ans de prison, dont quatre avec sursis, en qualifiant de "victime" celle qui a été violée, battue et prostituée pendant des années par son mari tyrannique.
Un tonnerre d'applaudissements a éclaté à la lecture du verdict, certains proches de l'accusée fondant en larmes. Lisant les motivations de la cour et du jury, la présidente Céline Therme a souligné qu'ils avaient retenu "la terreur" dans laquelle a vécue Valérie Bacot et les "multiples traumatismes de son enfance". "Je voudrais remercier la cour", a déclaré Valérie Bacot à sa sortie du tribunal, d'une voix très faible. "C'est un nouveau combat maintenant pour toutes les autres femmes et toutes les maltraitances", a-t-elle ajouté, se disant non pas soulagée "mais vidée".
"Valérie Bacot ne pouvait pas prendre la vie de celui qui la terrorisait" mais il faut "fixer l'interdit sans réincarcérer", avait estimé dans ses réquisitions l'avocat général Éric Jallet, soulignant que ses quatre enfants avaient "besoin" de leur mère. L'accusée a tué d'une balle dans la nuque, à l'âge de 35 ans, Daniel Polette, 61 ans, le 13 mars 2016, après près de 25 ans de viols et de violences, puis de prostitution contrainte. Elle encourait la perpétuité.
"Une société qui se fait justice soi-même, c'est la guerre des uns contre les autres", a estimé l'avocat général. Mais "Valérie Bacot est victime, très clairement", a-t-il reconnu. La défense avait estimé qu'une condamnation, aussi clémente soit-elle, serait encore trop pour Valérie Bacot. "Comment la société pourrait demander réparation à Valérie Bacot alors qu'elle n'a pas su la protéger?", a demandé Nathalie Tomasini qui, avec Janine Bonaggiunta, défend Mme Bacot. Les deux avocates ont été les conseils de Jacqueline Sauvage, devenue le symbole des violences conjugales après avoir été condamnée pour avoir tué son mari, puis graciée en 2016. Me Tomasini a listé une "chaîne de dysfonctionnements multiples", en particulier les deux signalements que des proches de l'accusée ont faits à la gendarmerie, en vain.
"C'était elle ou lui"
"C'était elle ou lui", avait pour sa part estimé sa collègue, Me Bonaggiunta, rappelant que le mari de Valérie Bacot lui avait pointé une arme sur la tête en lui promettant qu'il la tuerait, elle et ses enfants, si elle le quittait. "Marionnette" aux mains d'un "tyran", Valérie Bacot était "prise dans une toile d'araignée, sans aucun recours possible à la loi", a-t-elle ajouté, demandant elle aussi l'acquittement ou une "peine symbolique".
Le procès, ouvert lundi, a dépeint les violences extrêmes subies par Valérie Bacot et sa peur de les voir se perpétuer à l'encontre de sa propre fille, Karline, qui avait 14 ans au moment des faits. Des experts psychiatre et psychologue ont souligné que l'accusée n'avait aucune autre "échappatoire" que de "faire disparaître" son mari, tant elle souffrait de son "emprise permanente" et de sa "surveillance" très serrée, qui l'empêchait d'aller porter plainte.
Le mari de Mme Bacot, alcoolique et violent, l'a prostituée pendant 14 ans. Il a commencé à la violer alors qu'elle n'avait que 12 ans et qu'il était encore l'amant de sa mère. Condamné et incarcéré en 1996, l'homme est pourtant autorisé, dès sa sortie de prison en 1997, à réintégrer le domicile familial, où "tout a recommencé comme avant", selon Valérie Bacot. Elle tombe enceinte à 17 ans et part s'installer avec "Dany", expliquant cette décision surprenante par le besoin d'offrir un "père" à cet enfant qu'elle voulait garder. "Je voudrais dire pardon à mes enfants de ce que je leur ai fait endurer", a-t-elle déclaré avant que les jurés se retirent pour délibérer, dans une référence à l'enfouissement du corps de Daniel Polette, auquel ont participé deux d'entre eux.