Lutter contre le gaspillage en donnant une seconde vie aux objets, voici le pari pris depuis plus de vingt ans par les ressourceries. Ces structures collectent vaisselle, meubles, textiles ou encore électroménagers, les réparent puis les revendent dans des boutiques solidaires. Objectif : éviter la déchèterie, l'incinérateur ou, pire, l'enfouissement. Ces réseaux associatifs sont développés sur l'ensemble du territoire et près d'un Français sur quatre vit à proximité d'une ressourcerie. Un concept et une prise de conscience qui trouvent un écho jusqu'aux grandes enseignes de décoration.
Le Réseau national des ressourceries compte près de 160 structures adhérentes réparties sur l'ensemble du territoire et portées par des citoyens convaincus que l'avenir est au réemploi. "C'est le côté passionnant de la microéconomie de territoires qui ne pouvait être fournie que par des gens qui connaissent leur territoire", explique Sébastien Pichot, vice-président du Réseau national des ressourceries. "Sur le terrain, ils créent des nouveaux modèles économiques de circuits courts, de valorisation des matières, des objets et sont en partenariat avec les pouvoirs publics qui gèrent les déchets." Des solutions complémentaires, selon lui, à celles des acteurs publics.
Des lieux de lien social
Au fil du temps, les acteurs des ressourceries sont devenus des experts de la réduction des déchets au niveau local. Mais pas seulement : ces structures sont devenues des lieux de partage, qui améliorent le lien social et recréent de la vie dans les territoires. Via la collecte solidaire notamment, explique Sébastien Pichot. "Il y a plein de gens qui ne peuvent pas changer d'environnement parce qu'ils ne peuvent pas bouger leurs armoires : ce sont des services trop chers", indique-t-il. "Donc il faut un service solidaire." La vente en boutique permet d'aller à la rencontre du public mais aussi de subvenir aux besoins des plus petits budgets.
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Le principe de revalorisation d'objets cassés ou destinés à la poubelle a séduit des entreprises, à l'instar des enseignes de décoration Maisons du Monde. La société, née dans la banlieue de Nantes, compte désormais 350 magasins dans le monde, dont 225 en France. Et a noué un partenariat depuis plusieurs années avec des structures de revalorisation d'objets.
"On est très fier de ce partenariat local, en région", confie Julie Walbaum, directrice générale de Maisons du monde, au micro d'Europe 1. "Chaque fois qu'on a des produits abîmés en magasin, ou à l'entrepôt à Nantes, on les cède à la ressourcerie pour qu'ils soient écoulés et c'est aussi le cas avec Emmaüs. L'année dernière, qui était une année exceptionnelle de besoins, on a donné 80.000 produits à ces structures."
70.000 emplois à créer dans la valorisation
Avant d'être vendus, les objets récoltés vont être nettoyés, réparés, repeints et parfois même totalement réinventés. "Ils peuvent être détournés par les artisans", se réjouit Sébastien Pichot. "Les créateurs sont nombreux dans les ressourceries, qui sont vraiment des pôles de créativité immenses. Finir en pendule si c'était une tirelire : tout est imaginable."
La valorisation est devenue une expertise, qui permet de créer de l'emploi dans les ateliers : 4.000 salariés travaillent actuellement au sein du réseau et 70% des ressourceries sont des structures de réinsertion. "C'est vrai qu'on redonne goût au travail parce que c'est un travail qui enchante tous les jours. Ce n'est pas de l'industrie à la chaîne", confie le vice-président du Réseau national des ressourceries. "On a estimé que si on ouvrait autant de ressourceries qu'il y a de déchèteries sur les territoires, on créerait en moins de cinq ans 70.000 emplois", ajoute-t-il.
Autre mission des ressourceries : le conseil pour aider les citoyens à réparer leurs objets et à les valoriser afin d'éviter de jeter trop facilement ses biens. Une sensibilisation sur les modes de consommation, la gestions des déchets qui concerne les adultes, mais aussi les plus jeunes générations. "C'est un imaginaire fabuleux avec les enfants", assure Sébastien Pichot. "Moi, je fais des 'éthico tableaux', on récupère tous les petits bouts d'objets cassés, inspirants et on crée des tableaux. Finalement, le déchet qu'on ne voulait pas voir, on finit par l'accrocher au mur."