Il veut porter ce projet "avant la fin du quinquennat" : lundi, Éric Dupond-Moretti a affirmé auprès du Parisien son souhait de voir dans un avenir proche les procès "totalement" filmés et diffusés, alors que la captation d'images est aujourd'hui limités à certaines audiences. Cette proposition, rejetée par de nombreux acteurs des secteurs judiciaire et administratif, trouve grâce aux yeux de Me Basile Ader, avocat spécialiste du droit des médias. L'ancien vice-bâtonnier du barreau de Paris s'en explique au micro d'Europe 1.
Pour Me Ader, "la justice est rendue au nom du peuple français et il n'y a aucune raison de la cacher". Filmer et diffuser les images d'un procès serait donc logique, car "une des conditions de la bonne justice est qu'elle soit rendue publiquement". Et l'avocat convoque la Grèce antique pour justifier le besoin de voir les justiciables jugés sous les yeux de l'opinion : "Traditionnellement, la justice est rendue au centre du village, de la cité, sur l'agora, chez les Athéniens. Il faut que tout le monde puisse voir que ça se fasse de manière équitable. Ça a un côté pédagogique."
"Mieux renseigner l'opinion"
De manière plus effective, filmer les procès permettrait de "mieux renseigner l'opinion", estime Me Ader, ancien secrétaire de la conférence du Barreau de Paris : "Aujourd'hui, on rend compte quotidiennement des procès qui l'intéresse, mais un peu à l'aveugle. Là, on verrait comment ça se passe et il y aurait moins de dictature de l'opinion. Plus on montre les choses telles qu'elles sont, moins il y a de fantasmes", veut croire l'avocat.
Les opposants à cette proposition estiment pour leur part que filmer un procès porterait atteinte à la bonne tenue des plaidoiries et des jugements. C'est d'ailleurs ce qu'avait avancé le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue en décembre 2019, soulignant le besoin de garantir la "sérénité des débats". "Les magistrats ont surtout très peur des réseaux sociaux et conviennent en creux que cette interdiction absolue est anormale", réplique Me Ader. "Ce n'est plus la question de la sérénité des débats qui les inquiète, mais davantage leur sécurité. Et je ne vois pas en quoi les images porteraient atteinte à la présomption d'innocence."
Des meilleures décisions rendues ?
Faut-il pour autant tout montrer de chaque procès ? "Le principe devrait être l'autorisation et l'interdiction l'exception, lorsqu'un un intérêt légitime justifie qu'on protège", précise l'avocat, qui voit la nécessité de "règles" pour encadrer la captation et la diffusion des images hors des tribunaux.
Reste que, d'après Me Ader, les juges pourraient rendre de meilleures décisions : "Je pense que si les magistrats savent qu'ils sont regardés et qu'on peut utiliser les images, certains auraient une attitude plus impartiale et digne que dans certaines juridictions", affirme-t-il.