La mort du patient en état végétatif, au coeur d'une controverse sur la fin de vie depuis 2013, met fin à un feuilleton ultra-médiatisé et riche en rebondissements.
"Cette fois, c'est terminé", écrivaient les parents de Vincent Lambert et deux de leurs enfants, lundi. Dans un communiqué, les visages du "clan" favorable au maintien en vie de ce patient tétraplégique, en état végétatif depuis près de onze ans, se résignaient à sa mort, devenue "médicalement irréversible" après une semaine d'interruption des traitements. Trois jours plus tard, l'homme devenu malgré lui le symbole du débat sur la fin de vie en France est décédé jeudi, au CHU de Reims. Sa mort marque la fin d'un feuilleton judiciaire ultra-médiatisé, qui aura duré un peu plus de six ans.
29 septembre 2008 : l'accident de voiture
Vincent Lambert, infirmier psychiatrique de 32 ans, est victime d'un grave accident de voiture sur la route de son travail. Marié, père d'une petite fille de quelques semaines, le jeune homme est plongé dans un coma artificiel. Lorsque les médecins le réveillent, il est tétraplégique et souffre de lourdes lésions neurologiques. Les tentatives des médecins pour instaurer des modes de communication échouent. En 2011, les experts belges du Coma Science Group le diagnostiquent dans un "état de conscience minimale", sans possibilité d'amélioration.
10 avril 2013 : le premier protocole de fin de vie
En accord avec Rachel, la femme de Vincent Lambert, le CHU de Reims engage un protocole de fin de vie, en vertu de la loi Leonetti sur le droit des patients à ne pas subir d"obstination déraisonnable". Selon son épouse, l'homme avait "clairement" indiqué ne pas souhaiter d'acharnement thérapeutique avant son accident - sans laisser de consigne écrite. Mais ses parents, Pierre et Viviane, fervents catholiques et soutenus par une soeur et un demi-frère du patient, saisissent une première fois la justice. Au mois de mai, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne estime qu'ils n'ont pas été explicitement informés de cette décision. Les traitements reprennent.
24 juin 2014 : le Conseil d'État pour l'arrêt des soins
Début 2014, le tribunal donne à nouveau raison aux parents contre l'hôpital, qui entend arrêter les traitements. L'affaire se retrouve alors devant le Conseil d'État. Après une nouvelle expertise, la plus haute juridiction administrative tranche en faveur de Rachel Lambert et du CHU. "La poursuite du traitement n'a pas d'autre effet que de maintenir Vincent Lambert artificiellement en vie, emmuré dans sa nuit de solitude et d'inconscience", écrit alors le rapporteur public Rémi Keller, cité par Le Monde. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) valide cette décision un an plus tard, le 5 juin 2015. "Mon fils n'est pas un légume (...) Il est bien vivant", persiste Viviane Lambert sur Europe 1.
10 mars 2016 : Rachel Lambert tutrice de son époux
Après une plainte déposée par les parents Lambert contre le CHU, pour "mauvais traitements" et "tentative d'assassinat", l'hôpital demande à la justice de désigner un représentant légal pour le patient. Le 10 mars 2016, c'est Rachel Lambert qui est désignée par le juge des tutelles de Reims. De nouvelles consultations d'experts sont ordonnées par la justice en juin de la même année, puis à nouveau en 2017 et 2018. Mais les trois médecins-experts désignés se désistent, invoquant leur incapacité à résister aux "tentatives de manipulations et aux critiques" dans ce qui est devenu "l'affaire Lambert".
18 novembre 2018 : l'état du patient jugé "irréversible"
Les parents de Vincent Lambert réclament le transfert de leur fils vers un établissement spécialisé mais la justice refuse, une telle demande devant émaner de l'épouse du patient. Dans une lettre ouverte, Viviane Lambert en appelle à Emmanuel Macron, martelant que son fils est "handicapé mais vivant". Mais le 18 novembre 2018, la nouvelle expertise conclut que "l'état végétatif chronique" de Vincent Lambert est "irréversible". Deux mois plus tard, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne valide la procédure d'arrêt des soins. Le Conseil d'Etat puis la CEDH confirment cette décision.
2 juillet 2019 : l'arrêt définitif des soins
Le calendrier s'accélère le 11 mai 2019, lorsque le médecin traitant du patient - dont les parents Lambert réclament la radiation - annonce à la famille la prochaine interruption des traitements. Celle-ci débute le 20 mai, avant d'être suspendue par la cour d'appel de Paris, qui invoque l'avis attendu d'un comité de l'ONU sur les droits des personnes handicapées. Ce rebondissement sera le dernier. Un mois plus tard, la Cour de cassation juge que la juridiction judiciaire n'était pas compétente et casse sa décision. Le 2 juillet, l'équipe médicale annonce à la famille de Vincent Lambert un nouvel arrêt des traitements.