Depuis plusieurs jours, les "gilets jaunes", mobilisés dans la rue, prennent beaucoup de place. Au point, parfois d'éclipser d'autres mouvements. La marche #NousToutes, consacrée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, prévue samedi, devait démarrer de la place de la Madeleine à 14 heures, à Paris. Mais, alors que le parcours avait été validée depuis plusieurs semaines, elle a été déplacée sur le parvis de l'Opéra. En cause ? Les fameux "gilets jaunes" donc, qui ont appelé à une nouvelle mobilisation le même jour. Une "concurrence" qui risque de rendre plus difficile à entendre le message du collectif citoyen féministe, dont les membres peinent à cacher leur agacement.
Un appel aux "gilets jaunes" à ne pas manifester samedi. Sur les réseaux sociaux, plusieurs militantes ont ainsi appelé les "gilets jaunes" à ne pas se rassembler ce jour-là, veille de la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. Une demande appuyée par l'ancienne ministre des droits des femmes, Laurence Rossignol, sur Twitter. "Il y a déjà la manifestation #NousToutes contre les violences faites aux femmes. Ce serait très gentil de la part des #GiletsJaunes (...) de ne pas manifester le 24."
Le 24 novembre, il y a déjà la manifestation #NousToutes contre les violences faites aux femmes. Ce serait très gentil de la part des #GiletsJaunes de laisser les rond-points fluides, les villes accessibles et de ne pas manifester le 24. Merci d’avance https://t.co/feGAG6ivzi
— Laurence Rossignol (@laurossignol) 20 novembre 2018
De son côté, la secrétaire d'État pour l'Égalité entre les Femmes et les Hommes, Marlène Schiappa, a assuré sur Twitter qu'elle ferait en sorte que le message de cette marche "puisse être exprimée dans le respect de leur intégrité, et entendu !".
Je veux assurer les participantes que, quel que soit leur message contre les violences sexistes & sexuelles, je ferai en sorte qu’il puisse être exprimé dans le respect de leur intégrité, et entendu !
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 21 novembre 2018
J’en respecte le caractère citoyen et souhaite le succès pour #NousTouteshttps://t.co/Dx6iswIYkb
Déjà une marche #NousToutes annulée. Plusieurs dizaines de marches et de mobilisations sont organisées dans toute la France, comme le montre la carte diffusée par le collectif #NousToutes. Mais face à l'appel des "gilets jaunes", certaines manifestations comme celle de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, ont été annulées. L'organisatrice a assuré sur Facebook qu'elle craignait que "les gens ne puissent pas accéder au lieu" et que le collectif ne puisse pas assurer la sécurité des participants en cas de débordement.
Deux manifestations en même temps à Paris ? Mais c'est surtout à Paris que les deux mouvements pourraient se faire concurrence. Car les "gilets jaunes" comptent converger vers la place de la Concorde (à quelques encablures de la Madeleine et de l'Opéra), des difficultés pourraient apparaître. Pour le moment, les autorités n'ont pas autorisé un tel rassemblement pour le mouvement citoyen de contestation de la hausse du prix des carburants qui a commencé samedi dernier.
Écœurée que les #GiletsJaunes manifestent ENCORE le samedi 24.
— Pauline Oeslick (@PaulineOeslick) 20 novembre 2018
C’est le jour de #NousToutes, contre les violences faites aux femmes.
Une pensée pour toutes les meufs qui travaillent d'arrache pied depuis des mois sur le mouvement #NousToutes / #NousAussi pour finir encore une fois invisibilisées politiquement et médiatiquement par des "causes plus importantes"
— Emma (@KerriganNuNue) 21 novembre 2018
Mais les blocages annoncés pourraient "ralentir le cortège", prévoit l'organisatrice Madeline Da Silva, adjointe au maire des Lilas, en Seine-Saint-Denis, auprès de Franceinfo. "Malgré les événements, nous restons extrêmement motivées pour ces manifestations", assure-t-elle. "La mobilisation continuera de s'organiser avec passion et nous passerons à l'action. Nous ferons entendre nos voix".
Chacun son combat. Pour cette militante, pas question de créer un mouvement unitaire, car leurs combats sont différents. Mais Madeline Da Silva n'hésite pas à inciter les femmes à ôter leur gilet jaune pour revêtir un foulard violet, accessoire symbolique des participants à la marche #NousToutes. Car comme le clame avec une ironie cinglante une internaute sur Twitter, "le prix de l’essence dans votre bagnole est quand même un sujet plus important à l’agenda du politique et des médias que les violences faites aux femmes à travers toute la planète."
Sympa, les #giletsjaunes de vous asseoir sur le mouvement #NousToutes du 25 novembre parce que le prix de l’essence dans votre bagnole est quand même un sujet plus important à l’agenda du politique et des médias que les violences faites aux femmes à travers toute la planète.
— Marie Donzel (@ladonzelle) 21 novembre 2018
De nombreuses personnalités vont participer. De nombreuses personnalités de la politique, des mondes associatif, culturel, médiatique ou syndical, ont apporté ces derniers jours leur soutien à ces marches. Les écrivaines Marie Darrieussecq et Annie Ernaux, les comédiens Philippe Torreton et Karine Viard, les chanteurs Catherine Ringer, Jeanne Cherhal et Arthur H ou encore la chroniqueuse et essayiste Rokhaya Diallo ou l'humoriste Guillaume Meurice ont ainsi signé une tribune relayée lundi par Mediapart et France Inter.
Une femme morte sous les coups de son compagnon tous les trois jours. En 2017, 219.000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles dans un cadre conjugal, selon des données publiées par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (Miprof). L'année précédente, 123 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, soit environ une tous les trois jours. En outre, plus de 250 femmes sont violées chaque jour en France, et une sur trois a déjà été harcelée ou agressée sexuellement au travail.