Le Saint-Père pourrait effectuer une visite historique à Ajaccio le 15 décembre. Âgé de 87 ans, le Pape François serait ainsi le premier souverain pontife à se rendre en Corse. Dans la ville impériale, les hôtels ont été pris d’assaut. Les catholiques ont le cœur en fête et espèrent la confirmation de l’événement.
Ils attendent la fumée blanche avec impatience. En Corse , les catholiques espèrent que le Pape se rendra bien à Ajaccio à la mi-décembre. "Je viendrai en Corse, c’est le plan" aurait déclaré le Saint-Père il y a quelques jours à nos confrères de Paris Match. Le Vatican doit officialiser la visite et des repérages de la garde suisse et des services de l’Élysée sont en cours.
Ce déplacement exceptionnel et historique sur l’île de beauté se précise. Invité par le cardinal d’Ajaccio François Bustillo à l’occasion d’un colloque sur la piété populaire , les 14 et 15 décembre prochain à Ajaccio, le possible voyage du Pape suscite un engouement populaire aux quatre coins de l’île. En quelques heures, plusieurs hôtels ont affiché complet dans la ville impériale. Les 2.500 places hôtelières disponibles en cette saison dans l’aire d’Ajaccio ont quasiment toutes été réservées à ce jour.
Ajaccio, novembre 2024
"Tout le monde en parle"
"On ne parle que du Pape et de sa venue", explique à Europe 1, Jean-Charles un habitant de Haute-Corse qui a prévu de faire l’aller-retour entre son village de Casamozza et Ajaccio. "On ira en famille… il faut le faire, il faut faire l'effort", précise-t-il. À Corte, dans le centre de l’île, Jeannine attend la confirmation du voyage : "Je suis prête à aller voir le pape. C'est une chose qui ne s'est jamais vue et qu’on ne reverra peut-être pas".
"C'est historique", s’enthousiasme Thierry, un Ajaccien. "On est chrétien et la Corse est une terre chrétienne, donc c'est important d'y être", souligne-t-il. Devant la cathédrale d’Ajaccio, un groupe d’ami discute au soleil. "C'est exceptionnel pour la ville et pour son rayonnement… Il y aura énormément de monde", assure Jean-François. "Mon fils qui habite Paris a déjà pris ses billets d’avion pour venir voir le Pape".
Cathédrale d’Ajaccio novembre 2024
Des hôtels pris d’assaut
À la réception de l’hôtel San Carlu, face à la citadelle d’Ajaccio, le téléphone n’arrête pas de sonner depuis le 30 octobre date ou la rumeur s’est répandue comme une trainée de poudre. "Je suis navré madame, nous sommes au complet la nuit du 14 décembre". Laure, la cheffe réceptionniste, avoue qu’en quelques heures, les 35 chambres ont été réservées "par des habitués, des locaux". L’établissement propose de mettre sur liste d’attente les personnes qui souhaitent réserver une chambre pour le 14 décembre mais à la réception on avoue qu’il n’y aura sans doute pas de désistement car "tout le monde veut venir !".
À Ajaccio et ses environs, les 2.500 places hôtelières disponibles en cette saison ont déjà presque toutes été louées. Thomas Vincetti, gérant de l'hôtel Fesh et Spa au cœur de la cité impériale à le sourire : "nos 80 chambres sont toutes réservées". "On est une région très croyante, la venue du Pape nous rend fier et vraiment, nous sommes heureux de le recevoir… en plus ça va faire travailler le commerce, l'économie locale", indique-t-il.
À deux pas de la mairie d’Ajaccio, le propriétaire d’une boutique souvenirs s’interroge : "on m’a proposé d’acheter des produits avec le Pape mais on a seulement trois semaines pour réfléchir. Rien n’est précis, on ne sait pas comment ça va se passer. J'attends de voir un peu le parcours, le programme". Selon certaines estimations, la visite du Saint-Père devrait attirer plus de 100.000 personnes à Ajaccio. On ignore toujours le lieu où pourrait se tenir l’évènement et si une messe est prévue.
Ajaccio, novembre 2024
"Il y a une vraie joie"
Au sein de la communauté catholique, la joie est immense. Dans un quartier d’Ajaccio, des membres de la paroisse St-Antoine Abbé de Mezzavia se réunissent chaque semaine pour des lectures bibliques, un temps d’échange et de partage. Une bougie allumée sur la table du petit local qui jouxte la chapelle, ce groupe de catholiques pratiquants débute la réunion en évoquant l’événement qui se prépare. Eléonore, une jeune fidèle, confie : "il y a une vraie joie parce qu’en dehors du chef religieux, le Pape François est un homme extraordinaire".
À ses côtés, deux femmes aux cheveux gris acquiescent. "Cette annonce va faire venir beaucoup de monde", soulignent-elles. Bernadette redoute cependant un certain voyeurisme. "On vient voir le Pape comme une rockstar, mais pour nous les personnes parties prenantes dans l'église, on y va pour prier, pour être en communion avec le Saint-Père", indique-t-elle. "J'entends ce que tu dis, c'est vrai, mais c'est quand même une forme de reconnaissance pour la Corse et c'est une forme de simplicité aussi que le Pape montre, en choisissant une petite population et pas de grandes églises", relativise Anne. "Il vient en Corse et pas à Paris, à Notre-Dame", s’amusent avec ironie et malice quelques fidèles autour de la table.
Ces dernières années en effet "les relations diplomatiques entre la France et le Vatican ne sont pas des plus chaleureuses". Il y a des questions de sociétés, des positions du Président Emmanuel Macron , qui ont altéré la relation notamment sur la question de la fin de vie.
Paroisse St Antoine Abbé de Mezzavia, Ajaccio novembre 2024
François, qui aura 88 ans le 17 décembre prochain, a aussi début décembre un agenda très chargé. Le 7 décembre, jour de la célébration à Notre-Dame de Paris , le Saint-Père doit tenir un consistoire public à Rome pour élever 21 hommes d’Église au rang de cardinal, un moment important pour l’Église catholique romaine. Le lendemain 8 décembre, jour de solennité de l’Immaculée Conception, il présidera le matin une messe dans la basilique Saint-Pierre et dans l’après-midi, il accomplira l’acte traditionnel de vénération de l’Immaculée Conception, place d’Espagne, dans la capitale italienne.
Même si rien n’est confirmé, le président de la République Emmanuel Macron devrait, sauf surprise, accueillir le souverain pontife. Les services de l’État travaillent sur ce voyage depuis plusieurs jours. Les gardes suisses chargés de la protection et des déplacements de Sa Sainteté, ainsi que des équipes de l’Élysée sont déjà en repérages. Loin des polémiques, l’abbé de la paroisse St-Antoine de Mezzavia, le père Chrétien Kpodzro estime que la visite pastorale du Pape "a pour but d'insuffler une certaine ardeur, d'éveiller la foi qui demeure déjà, mais qui parfois sommeil… c’est une espérance".
Chapelle St Antoine Abbé de Mezzavia, Ajaccio novembre 2024
"Un colloque sur la piété populaire"
Depuis le début de son mandat pontifical, le Pape François a visité plusieurs îles de la Méditerranée, montrant son intérêt pour la religiosité dans ces archipels. C’est donc logiquement que le cardinal et évêque d’Ajaccio Monseigneur François Bustillo a invité le souverain pontife à venir participer au colloque sur la piété populaire que le diocèse organise les 14 et 15 décembre.
Âgé de 56 ans, ce jeune Cardinal est un Franciscain, ordre fondé par Saint-François d'Assise, ce qui le rapproche du Pape François, car même si François est le premier Pape Jésuite de l’histoire, il est présenté comme un disciple de François d’Assise. Il a d’ailleurs choisi le nom de François pour son pontificat.
François Bustillo a aussi une histoire personnelle qui plait au Pape. Il est né en Espagne . Les deux hommes parlent donc la même langue et l’évêque d’Ajaccio possède la double nationalité Franco-Espagnole. Il a fait ses études théologique et philosophique en Italie et à Toulouse et occupé des fonctions dans le diocèse de Narbonne (Aude) et à Lourdes (Hautes-Pyrénées).
Cardinal François Bustillo Evêché d’Ajaccio - printemps 2024
Plusieurs témoins racontent aussi qu’en septembre 2023 quand il est créé cardinal, le Pape a eu le sentiment que toute la Corse s’était déplacée à Rome. Le souverain aurait été impressionné par la ferveur de la délégation qui accompagnait Monseigneur Bustillo.
Excellent joueur de tennis, ce fan de Roger Federer avoue s’être éloigné ces dernières années des courts, accaparé par sa mission. "Je dois être rouillé", ironise-t-il. Charismatique et proche des gens, œuvrant pour l’unité dans l’Église, il a selon plusieurs spécialistes le profil pour devenir un jour "Pape". Quant au principal intéressé, il tempère et botte en touche quand on l’interroge à ce sujet.