"Dernier Espoir" est une association étudiante née à Paris. La mission de ses quinze adhérents : promouvoir la laïcité. Ils ont par exemple organisé un concours de caricatures après l’assassinat de Samuel Paty, et espèrent rebaptiser un amphithéâtre de la Sorbonne "Charb". Cependant, aux yeux de plusieurs étudiants qui se plaignent sur les réseaux sociaux, cette association apolitique qui soutient Mila serait "raciste" et "islamophobe". Sur les bancs disposés en arc de cercle, - l’emblématique "fosse" de Tolbiac -, Lydia et Floriane discutent. Elles sont assises au pied de l’immense tour du centre Pierre Mendès-France de la Sorbonne, surnommé "Tolbiac", dans le 13e arrondissement de Paris.
"Certains étudiants mettent dans le même panier racisme et critique d'une religion"
Lydia a 18 ans. Elle vient tout juste de commencer sa licence de philosophie mais porte déjà une étiquette. "On dit que je suis de droite, que je suis fasciste, alors que je ne me sens pas du tout de droite !", regrette-t-elle. "Certains étudiants mettent dans le même panier racisme et critique d'une religion", souligne la jeune femme. "Je pense que les jeunes de notre âge ne savent pas ce qu'est la laïcité, ni ce qu'elle représente", pointe-t-elle. "Ils ne savent pas non plus que la laïcité les protège".
Ces critiques vont très loin pour la présidente de l’association, Floriane, 20 ans. Elle est victime de cyberharcèlement pour avoir soutenu Mila en 2020 et a, depuis, entamé une procédure judiciaire avec un avocat.
Un harcèlement jusqu'aux murs de la faculté
"Ça s'est amplifié par des messages sur les murs des WC, très agressifs à mon égard", raconte-t-elle. "Il y avait notamment 'Floriane l'islamophobe dégage' lorsque j'ai pris la défense de Mila", déplore Floriane. "Et cette idée, qui s’appuie sur le fait de ne pas critiquer, ne pas offenser, c'est la base même du wokisme", déclare-t-elle. "Pourtant, quand on critique une religion, cela reste légal et cela s’inscrit dans le cadre de la laïcité : ce n’est pas du racisme qui, lui, est puni par la loi".
Elle déplore également le silence des professeurs, qui les contraint à s’auto-censurer, ou se limiter, dans les sujets de cours, d’après elle.
Des professeurs "gênés" et "mal à l’aise"
"Je me souviens d'un cours qui s'intitulait 'Comment contourner la censure ?'. L'enseignant voulait aborder le livre de Michel Houellebecq, qui s'appelle Plateforme, mais il a pris toutes les précautions du monde pour argumenter le fait que c'est un objet d'étude intéressant, mais que ça ne reflète pas ses convictions", relate Floriane.
"Ça lui a pris dix minutes pour se justifier, sur une séance de vingt minutes", poursuit-elle. "Il y avait un sentiment de gêne, et un profond malaise, alors que c’était un simple cours de littérature !", s’indigne la présidente de "Dernier Espoir" qui étudie les lettres modernes. Le projet de l’association de rebaptiser un amphithéâtre "Charb" est au point mort depuis plus d’un an. Les adhérents soupçonnent l’administration de vouloir le freiner… Par peur des représailles.