On imagine l'émotion qui va étreindre Piri Weepu, le demi de mêlée des Blacks d'origine maori, au moment où il va entonner le haka, dimanche, devant son public, en finale de la Coupe du monde. Depuis 1905, lors des tournées, et depuis 1987, à chaque rencontre, les Blacks exécutent avant le coup d'envoi cette danse traditionnelle maori.
Plus qu'un loisir, le haka était une coutume d'importance, particulièrement au moment de souhaiter la bienvenue lors de rencontres sociales. La réputation d'une tribu pouvait même varier suivant son habileté à faire le haka. On peut donc considérer que celle des All Blacks n'est plus à faire...
Mis en scène voire surjoué pour les télévisions, récupéré par sponsors et équipementiers, le haka n'en reste pas moins un trait d'union avec l'histoire de la Nouvelle-Zélande. Les Maori (pour "autochtones") ont été en effet les premiers habitants du pays, aux alentours du 1er millénaire, et sont souvent considérés comme le dernier peuple indigène à avoir subi les effets de la colonisation.
En quête de reconnaissance
Après plusieurs approches de missionnaires européens, le traité de Waitangi, signé le 6 février 1840, fait des Maori des sujets de la couronne britannique. Lors de la décennie suivante, les Maori perdent de leur autonomie et se font subtiliser une grande partie de leurs terres.
Les mariages mixtes se sont ensuite multipliés mais les Maori ont conservé une très forte identité. Ces dernières années, leur lutte a surtout concerné la conservation du littoral, contre les effets du tourisme, de l'aquaculture et de l'industrie pétrolière, et la reconnaissance politique avec la création, en 2004, d'un parti maori. Mais les effets de l'acculturation subiste. En 1994, le roman L'Ame des guerriers, d'Alan Duff, narre la vie difficile d'une famille maori dans la banlieue pauvre d'Auckland.
Importé par les Britanniques, le rugby, sport de combat et de traditions, fait aujourd'hui figure de ciment national. Le haka établit une passerelle entre les premiers habitants du pays et la population actuelle, qui se reconnaît dans l'équipe métissée des All Blacks. Dimanche, les Bleus ne vont pas seulement affronter quinze joueurs. Ils vont affronter un pays de quatre millions d'habitants attaché à ses racines.