La troisième place de Yannick Agnel lors de la finale du 200 m des championnats de France, mercredi soir, a permis de mettre en lumière le fonctionnement du chronométrage en natation, que nous a détaillé Alain Bernard, jeudi midi, sur Europe 1. Mais elle a également rappelé combien ces sélections olympiques étaient sévères et/ou illisibles.
Championnats de France = sélections olympiques. La bannière en fond de bassin ne trompe pas. Plus que des championnats de France, la compétition qui se tient jusqu'à dimanche à Montpellier correspond à de véritables "sélections olympiques", comme cela se fait aux Etats-Unis. L'intérêt : concerner les meilleurs nageurs mondiaux au sein de vraies qualifications aux JO. Le souci : les "France", comme on surnomme ces championnats, sont le seul rendez-vous qualificatif pour Rio. Les athlètes, y compris les plus titrés, n'y ont donc pas le droit à l'erreur.
Les deux premiers retenus... Afin d'éviter les razzias de médailles d'un même pays, les fédérations nationales sont seulement autorisées à aligner deux athlètes au départ d'une course individuelle aux JO. A Montpellier, il faut donc terminer dans les deux premières places pour espérer se qualifier pour les JO. C'est pourquoi savoir si Agnel a fini 3ème ou 2ème de la finale du 200 m n'est évidemment pas anodin.
... s'ils réalisent les minima. Mais terminer dans les deux premiers ne suffit pas à décrocher son billet pour les JO. En effet, comme le précise le règlement de la fédération française de natation (FFN), "les deux premiers de chaque épreuve seront proposés à la sélection, à condition de réaliser en finale A (la grande finale, ndlr) un temps correspondant au temps de référence du tableau n°1."
Ce "tableau" répertorie les minima de qualification, à savoir le temps minimum que chaque athlète doit réaliser. Cette pratique hyper sélective, utilisée également dans l'athlétisme, pousse les nageurs à l'excellence. Mais certains observateurs se demandent si l'on ne va pas aujourd'hui trop loin dans l'exigence.
Découvrez le règlement de la fédération française de natation :
Avec son chrono de 1'46"18, Jérémy Stravius, vainqueur de la finale du 200 m jeudi soir, n'a ainsi pas réalisé les minima, calculés par rapport aux grandes épreuves précédentes (1'46"06 sur 200 m). En général, ce sont des temps qui doivent garantir au minimum une place en demi-finales. En résumé, la France n'emmène pas des nageurs faire du tourisme, mais des médailles. Sauf que le temps réclamé par la Fédé sur 200 m, personne ne l'a réalisé pour le moment en ce début de saison et Stravius possède même le 3ème chrono mondial en 2016...
Une possibilité de repêchage. Compte-tenu des performances sur la distance cette année - bien en deçà du chrono qui avait permis, par exemple, à Yannick Angel d'être champion olympique du 200 m en 2012 (1'43"14) -, Stravius a de fortes chances d'être repêché. Que dit le texte de la FFN ? "À l’issue des championnats de France Élite, en fonction des résultats, le DTN se réserve le droit d’élargir la liste des nageurs proposés à la sélection". La condition ? Etre sous le temps de qualification olympique "A" qui est de 1'47"97 sur le 200 m. Limité à six nageurs par sexe, ce procédé concernera ceux qui seront le plus près des minima de qualification. Avec ses 1'46"18 (contre 1'46"06 en temps de référence exigé), Stravius devrait être logiquement repêché.
C'est évidemment plus compliqué pour Agnel, dont le chrono officiel est loin du compte (1'46"99). Mais si, comme le supposent les images, il a touché trois ou quatre dixièmes plus tôt, cela pourrait tout changer. On comprend dès lors le choix de ses proches, à commencer par son entraîneur Lionel Horter, de tout faire pour "requalifier" ce temps. Arrivé en deuxième position mercredi soir (1'46"80), le jeune Jordan Pothain, 22 ans, a déjà déclarer qu'il pourrait céder sa deuxième place. Ce serait un premier pas, mais il faudrait encore qu'Agnel soit crédité d'un temps qui lui permette d'être dans les six repêchés possibles...
Et si on changeait la règle ? Et c'est là qu'intervient le directeur technique nationale (DTN) de la Fédé, Jacques Favre, présent lui aussi jeudi matin en conférence de presse. S'il a confirmé le classement des juges, il a laissé la porte ouverte à un aménagement possible pour l'épineux cas Agnel."Pour le moment, Yannick Agnel est 3ème mais les critères de sélections et leurs modalités sont ouvertes jusqu’à la fin des championnats", a-t-il souligné. "On mettra en priorité la meilleure équipe possible aux JO de Rio. La place aujourd’hui, 2ème ou 3ème, ce n’est pas la question, le sujet c’est plutôt sur le temps, un problème de temps, on a besoin d’un certain nombre d’analyses." Un temps, la FFN pourrait être tentée d'en avoir un nouveau lors des championnats d'Europe qui auront lieu en mai prochain. Cela pourrait être l'occasion de départager Pothain et Agnel. Mais peut-être aussi d'ouvrir la boîte de Pandore concernant un mode de sélection aujourd'hui remis en question.
Agnel logiquement présent dans le relais. Avec sa troisième place, Agnel, qui doit encore nager le 100 m à Montpellier, s'est en revanche assuré une place dans le relais 4x200 m. Celui-ci va regrouper les quatre meilleurs nageurs tricolores sur la distance (voire six avec d'éventuels remplaçants). Longtemps dans l'ombre du relais 4x100 m, le relais 4x200 m semble avoir les moyens cette année de disputer l'or olympique.