Champion olympique du 100 m en 2008, Alain Bernard avait manqué la qualification pour les Jeux suivants, à Londres, lors des championnats de France 2012. Il est donc très bien placé pour comprendre la peine de Yannick Agnel, champion olympique en titre du 200 m mais classé troisième seulement mercredi soir de la finale du 200 m des championnats de France, qualificatifs pour les JO de Rio. Alors que les images vidéo semblent indiquer qu'Agnel a touché en deuxième position derrière Jérémy Stravius, ce qui lui aurait ouvert la possibilité d'être repêché, Alain Bernard fait lui confiance à la technique. "Est-ce qu'on a vu une image diffusée qui n'est pas sur l'axe d'arrivée ? L'hypothèse la plus probable est que Yannick Agnel a mal touché la plaque. Ça arrive, même aux meilleurs", a souligné l'ancien champion dans Europe midi, jeudi.
Trois modes de chronométrage simultanés. Alain Bernard a précisé la façon dont les chronos sont mesurés. "Le mode de chronométrage en natation est très simple depuis des années", a-t-il expliqué. "Il y a un système électronique qui, au starter, déclenche ce chrono et ce qui permet d'arrêter ce chrono, c'est une plaque individuelle dans chaque ligne, qui demande une pression d'1,5 kg de la part du nageur sur une surface de la largeur de la ligne d'eau, qui va de 30 à 40 centimètres au-dessus de la ligne et à 60 centimètres en-dessous de la surface de l'eau. Ce système est sécurisé de deux manières. Il est sécurisé à l'arrivée par ce qu'on appelle la poire, avec deux ou trois juges. Il y a un juge qui appuie sur la poire quand il voit le nageur qui touche la plaque et il y a un autre juge qui arrête un chrono manuel. Et malgré ce recoupement d'informations, Yannick Agnel reste troisième de la course. Il faut faire attention avec ces images car elles ne sont pas officielles dans ce genre de compétitions. Et moi, j'ai plus tendance à faire confiance à la partie électronique."
Et Alain Bernard de rappeler une anecdote personnelle. "Je viens de discuter avec le responsable de ces plaques électroniques qui m'a rappelé une vieille anecdote : en 2007, je nage (le 100 m) en 48"12 alors que le record du monde était de 47"84. J'avais mal touché la plaque ce jour-là et il m'a montré le chrono qui avait été pris à la poire : j'aurais limite pu battre le record du monde. Depuis, je me suis attaché à être vigilant sur cette touche."
Pour Alain Bernard, si cette affaire prend une telle dimension, c'est aussi parce que l'éliminé de la course aux Jeux s'appelle Agnel, l'une des figures de proue de la natation française. "Il y a tout un staff qui défend ses positions et ses ambitions", a-t-il rappelé, sans citer nommément son agent, l'ancienne nageuse Sophie Kamoun. "A partir du moment où un règlement n'est pas clair et qu'il y a des failles, et bien ces failles sont exploitées. Si c'était arrivé à un autre jeune qui avait raté sa qualification, on en aurait parlé. Revenons sur des basiques, des fondamentaux".
Agnel loin de son top niveau. Loin de jeter la pierre à Yannick Agnel, qui a exprimé sa déception au micro mais également sur Twitter mercredi, Alain Bernard rappelle un fait, chronométrique lui aussi. Le nageur de Mulhouse est loin de son meilleur niveau actuellement. "Le meilleur chrono de Yannick Agnel, celui qui lui a permis d'être champion olympique, est d'1'43"14. Hier (mercredi), il nage en 1'46"99. On est presque à quatre secondes au-dessus de sa meilleure performance individuelle. A partir de là, c'est la compétition. Il y a des adversaires, il y a des jeunes qui montent. Le jeune qui est devant lui, qui s'appelle Jordan Pothain, ça fait des années qu'il s'entraîne pour décrocher une qualification olympique." Ce jeune, justement, a participé à une conférence de presse jeudi matin. Il explique avoir revu les images et être prêt à céder sa place de deuxième si telle devait être la décision de la Fédération française de natation (FFN). Alors que la liste des nageurs qualifiés pour les JO de Rio doit être annoncée le 6 avril prochain, "l'affaire Agnel" est loin d'être terminée...