L'Agence mondiale antidopage (AMA) a recommandé lundi une mesure historique en matière de lutte antidopage : l'exclusion pure et simple de tous les athlètes d'une même nation pour la prochaine édition des Jeux olympiques. Des Jeux sans athlètes russes, voilà qui nous ramènerait plus de 30 ans en arrière, quand les JO de Los Angeles, en 1984, s'étaient déroulés sans les athlètes du bloc de l'Est. Mais nous étions là dans une réponse politique à un premier boycott, celui des Jeux de Moscou par les Etats-Unis et plusieurs de leurs alliés, quatre ans plus tôt, après l'intervention soviétique en Afghanistan. La fédération internationale (IAAF), qui se réunira à la fin du mois à Monaco, pourrait donc prendre une mesure de sanction sportive jamais vue jusqu'alors.
Les 18 médailles russes aux JO de Londres
HOMMES
Or :
50 km marche : Sergey Kirdyapkin
Saut en hauteur : Ivan Ukhov
FEMMES
Or :
800 m : Mariya Savinova (l'AMA préconise une suspension à vie)
3000 m steeple : Yuliya Zaripova
Marteau : Tatyana Lysenko
400 m haies : Natalya Antyukh, médaille d'argent sur relais 4x400 m.
Saut en hauteur : Anna Chicherova
20 km marche : Elena Lashmanova
Argent :
Relais 4x400 m : Natalya Antyukh, Yulia Gushchina, Antonina Krivoshapka, Tatyana Firova
Saut en longueur : Yelena Sokolova
20 km marche : Olga Kaniskina
Poids : Yevgeniya Kolodko
Bronze :
800 m : Ekaterina Poistogova (l'AMA préconise une suspension à vie)
Saut en hauteur : Svetlana Shkolina
1500 m : Tatiana Tomashova
Perche : Yelena Isinbayeva
Marathon : Tatiana Petrova Arkhipova
Heptathlon : Tatiana Chernova
Deuxième nation lors des JO 2012. Et ce n'est pas une nation mineure de l'athlétisme mondial que l'AMA recommande d'écarter. Lors des JO de Londres, "sabotés" par le "dopage organisé" russe selon l'AMA, la Russie s'était classée deuxième au classement des médailles, derrière les Etats-Unis, avec 18 breloques, dont 8 en or. Un an plus tard, la Russie était même passée première puissance mondiale, avec 17 médailles, dont 7 titres, lors des Mondiaux 2013, organisés à... Moscou. Moins rayonnante mais toujours présente lors des championnats d'Europe de 2014 (4e du classement, 4 titres seulement mais 22 médailles en tout), la Russie a ensuite subi une chute spectaculaire lors des Mondiaux 2015 : elle n'a terminé que 9e nation, avec deux titres seulement, Sergey Shubenkov sur 110 m haies et Marysa Kuchina à la hauteur. Les premières suspensions d'athlètes russes, épinglés pour certains après examen de leur passeport biologique, avaient alors commencé à faire leur effet...
De fait, l'absence de la Russie lors des prochains JO n'aurait pas un impact significatif sur les compétitions. "Il y a aujourd'hui une densité, une universalité de l'athlétisme qui existait moins à l'époque (du boycott de 1984), une meilleure répartition des médailles", assure ainsi Ghani Yalouz, DTN de l'équipe de France d'athlétisme, pour qui cette suspension, si elle était confirmée, devrait être un "séisme politique mais pas sportif".
Malgré tout, plusieurs stars de l'athlétisme actuel pourraient être privées des Jeux en raison de la suspension de leur pays : les deux champions du monde de 2015 (Shubenkov et Kuchina), la double championne d'Europe en salle de saut en longueur, Drya Klishina, la championne olympique de la hauteur, Anna Chicherova, mais aussi et surtout Elena Isinbaeva. En année sabbatique en 2015, la "tsarine" de la perche, double championne olympique, avait prévu de revenir à la compétition en 2016. Son absence serait un coup dur pour le concours de la perche olympique.
"Partenariat honnête." Pour autant, rien n'est encore acté. Lundi, la fédération russe d'athlétisme a indiqué dans un communiqué qu'elle allait "bientôt soumettre à l'IAAF un document (sur son) programme antidopage et les étapes concrètes de sa mise en œuvre". Selon elle, "un partenariat honnête (avec l'IAAF) serait beaucoup plus efficace que toute suspension ou isolement". Que faut-il entendre dans le terme de "partenariat honnête" ? Une suspension au cas par cas ? La protection des stars comme Chicherova ou Isinbaeva, épargnées pour le moment (et a priori) de tout soupçon de dopage ? Une chose est acquise : la fédération russe, soutenue par Moscou, ne va pas lâcher l'affaire facilement. Mardi, l'ancien président de la fédération russe d'athlétisme et ex-trésorier de la Fédération internationale (IAAF) Valentin Balakhnitchev, a même indiqué qu'il entendait porter l'affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). La bataille pour un sport propre pourrait donc débuter par un bras de fer judiciaire...