L'athlétisme est en pleine crise. En novembre dernier, un rapport avait révélé l'existence d'un dopage organisé en Russie et mis au jour des accusations de corruption visant les plus hautes sphères de la Fédération internationale (IAAF). Jeudi, l'Agence mondiale antidopage (AMA) va publier la deuxième partie de ce rapport.
C'est dans ce contexte que la Fédération britannique (UKA) a dévoilé un plan dans laquelle elle préconise des mesures radicales afin d'offrir une nouvelle virginité à l'athlétisme. Parmi ces mesures, une retient particulièrement l'attention : laisser de côté les records du monde tels qu'ils sont aujourd'hui afin de repartir sur de nouvelles bases.
Un vieux serpent de mer. "J'ai rencontre Sebastian Coe (le président britannique de la fédération internationale, ndlr) aujourd'hui (lundi) et il m'a dit qu'il était favorable pour revoir les records qui sont clairement faux", a assuré à l'agence britannique PA le président de l'UKA, Ed Warner, après avoir dévoilé son plan dans la matinée de lundi. "S'il peut faire ça, c'est magnifique et il faut avancer dans cette direction. Nous pensons cependant que tous les records mondiaux devraient être effacés une fois que les mesures nécessaires auront été mises en place."
L'effacement des records du monde est un vieux serpent de mer qui réapparaît au gré des polémiques. Mais quels records des tablettes, à partir de quand ? On voit mal l'IAAF sacrifier sur l’autel du nouveau départ certains records mythiques comme celui du 100 m réalisé par Usain Bolt aux Mondiaux de Berlin en 2009 (9"58).
" La difficulté, c'est de décider quels records sont faux. "
Un "vœu pieux" ? Ed Warner lui-même en convient volontiers. "La difficulté, c'est de décider quels records sont faux", souligne-t-il. "Par exemple, 'Flo-Jo' (l'Américaine Florence Griffith-Joyner, ndlr) n'a jamais été contrôlée positive. Mais il y a de nombreux records qui sont tout simplement inenvisageables selon les standards actuels." Reste qu'effacer des records sur la base de soupçons reste difficilement envisageable.
"C'est un communiqué plein de bon sens, même s'il s'agit, pour beaucoup, d'un vœu pieux", insiste Jean-Claude Perrin, le consultant athlétisme d'Europe 1. Effacer les records, augmenter les sanctions, comme le préconise la Fédération britannique, on l'annonce depuis très longtemps. Mais ce dont j'ai peur dans un premier temps, c'est qu'on s'enlise dans des procédures. Sur le plan juridique, sur quelles bases va-t-on partir ? C'est très complexe."
Conscient de l'ampleur de la tâche, Ed Warner insiste sur le fait que "ce manifeste n'est rien d'autre qu'une contribution au débat". "Sans aucun doute, il y en aura bien d'autres", reconnaît le patron de la "Fédé" britannique. "Ce qui compte, c'est que l'athlétisme prenne maintenant conscience de l'ampleur du problème et soit assez courageux pour prendre les mesures difficiles et radicales qui lui permettront d'assurer sa santé à long terme".
Outre l'effacement des records actuels, l'UKA préconise d'autres mesures d'envergure qu'a relevées la BBC comme l'établissement d'un registre public des tests antidopage, un dédommagement financier des athlètes propres battus par des dopés ou encore une suspension minimum de huit ans pour les athlètes contrôlés positifs.
Des records qui font toujours polémique
Si quelques-uns des records masculins font légèrement froncer les sourcils, c'est surtout chez les femmes que les records sont les plus improbables. Trois exemples parmi les plus marquants : les 100, 400 et 800 m. Le premier appartient à feu Florence Griffith-Joyner, également détentrice de la meilleure marque de tous les temps sur le 200 m. L'ancienne sprinteuse américaine, célèbre pour sa combinaison et ses ongles peints, est morte à l'âge de 38 ans. Les deux autres records nous ramènent à l'époque du dopage d'Etat. Ils sont la propriété de l'Allemande Marita Koch (ex-RDA) et de la Tchèque Jarmila Kratochvílová (ex-Tchécoslovaquie).
100 m, 10"49, Florence Griffith-Joyner, 17 juillet 1988 :
400 m, 47"60, Marita Koch, 6 octobre 1985 :
800 m, 1'53"28, Jarmila Kratochvílová, 26 juillet 1983 :