Il y a vingt ans, l’équipe de France remportait le Saladier d'Argent face aux USA.
Avant les coups de tête de Zinédine Zidane, avant les coups de poignet de Nikola Karabatic, il y avait eu le coup droit de Guy Forget, ce dernier geste qui avait permis au joueur tricolore de battre Pete Sampras et d'offrir à la France la victoire en Coupe Davis aux dépens des Etats-Unis (3-1), le 1er décembre 1991. Lors de ce succès devenu mythique, il y eut tout : un adversaire renommé, des joueurs transcendés et un lieu sublimé, le Palais des sports de Lyon, avec 8.000 spectateurs en transe. Et au milieu de tout cela, "Captain'" Noah en MC improvisé, meneur de revue sur un "Saga Africa" endiablé.
L'équipe de France remporte la Coupe Davis 91 :
Cette victoire était la première en Coupe Davis pour la France depuis 1932 et l'épopée des Mousquetaires, 59 ans après... Entraîneur de l'équipe de France à l'époque, Patrice Hagelauer estime que cette équipe 1991 a marqué un tournant dans l'histoire du tennis français. "Avec la victoire de 1991, on a pu élaborer les critères qui sont les critères de la réussite d'une équipe", explique au micro d'Europe 1 l'actuel directeur technique national (DTN). "Et le premier critère est l'état d'esprit qu'il faut posséder quand on arrive en équipe de France, quand il s'agit de mettre tous ses problèmes et soucis de côté."
Avec Noah puis Forget en capitaines successifs, le DTN estime que l'équipe de France de Coupe Davis a réussi à conserver cet état d'esprit tout au long des années. Et les résultats ont suivi : une deuxième victoire pour Noah et sa bande en 1996, un succès en Australie pour Forget en 2001 ainsi que trois accessions à la finale (1999, 2002 et 2010).
Joueurs et membres de la FFT font la fête en 1991 et 96 :
Mais ce succès en Coupe Davis n'a pas seulement été fondateur pour le tennis français. Il l'a été pour l'ensemble du sport français. "C'est là qu'on a commencé à comprendre qu'en tant que Français, on pouvait gagner de grands événements", estime au micro d'Europe 1 Patrick Chamagne, qui avait soigné Leconte, blessé au dos, lors d'un stage préparatoire effectué en Bretagne avant la finale. "On est arrivé à gagner, dans un sport individuel disputé en équipe avec un joueur au top et un qui revenait du diable vauvert. C'était assez sympa ! Et ça a déclenché pas mal de trucs : les Barjots, l'équipe de France de foot,..."
En effet, dans la foulée de cette victoire homérique, les équipes françaises se sont peu à peu libérées. Limoges a remporté la Ligue des champions de basket en 1993, l'OM lui a emboîté le pas un mois plus tard en foot, l'équipe de France de handball a été sacrée championne du monde en 1995 et celle de foot en 1998. Les acteurs de cette finale ont conscience, eux aussi, d'avoir servi d'exemple aux autres sports.
"Ce jour-là, un verrou a sauté"
"Avant cette finale de 1991, à travers le monde, on était, nous les Français, considérés comme des losers. On a ouvert la voie", considère Leconte dans l'ouvrage Coupe Davis 1991, naissance de la France qui gagne*. "On ne s'est pas fait dessus comme toutes ces équipes de France qui se faisaient dessus au moment de gagner", explique également Noah. "Ce jour-là un verrou a sauté. Les athlètes français sont devenus moins frileux."
Vingt ans après, un tel succès est-il à nouveau envisageable pour le tennis français ? "C'est en s'organisant peut-être un petit mieux qu'on y arrivera peut-être à nouveau", précise Patrice Hagelauer, qui souligne qu'il a "manqué très peu de choses" ces dernières années, à commencer par de la chance. En 2010, à Belgrade, l'équipe de France a ainsi été privée de son atout n°1 Jo-Wilfried Tsonga, blessé. Pourtant, l'actuel 6e joueur mondial meurt visiblement d'envie de goûter au Saladier. "Dans mon bureau, il y a les photos de toutes ces victoires en Coupe Davis", raconte Patrice Hagelauer. "Il y avait "Jo" qui était là, il n'arrêtait pas de regarder ça, et on sent qu'il a en lui cette envie de gagner la Coupe Davis."
*Coupe Davis 1991, naissance de la France qui gagne, par Fabrice Abgrall et François Thomazeau, Hugo & Cie, 2011, 264 pages, 17,95 euros.