"J'ai envie de revivre des moments comme ça." Voilà ce que Yannick Noah a concédé, dimanche soir, dans la foulée de la dixième victoire de l'équipe de France en Coupe Davis, sa troisième personnelle en tant que capitaine après 1991 et 96. Pour autant, l'icône du tennis français n'a pas annoncé clairement qu'elle serait encore sur le banc en février prochain pour mener les Bleus dans leur quête de doublé. "On va débriefer (une première réunion était prévue chez lui lundi soir, ndlr). On va voir… Cela dépend des gars." Les "gars", Lucas Pouille et Richard Gasquet en tête, semblent eux favorables à ce que Noah reste en poste. Mais est-ce vraiment aujourd'hui son intérêt ?
OUI : "Noah a la Coupe Davis dans la peau"
Par Corinne BOULLOUD
"Yannick Noah doit rester en poste et ce, pour plusieurs raisons :
Parce qu'il a la Coupe Davis dans la peau et que cette culture de la gagne ne l’a pas quitté.
Parce que les capitaines français, ces dernières années, ont été suffisamment critiqués pour leur frilosité pour ne pas saluer aujourd’hui le risque, certes mesuré, du choix du double (Gasquet-Herbert, qui n'avait jamais joué ensemble), le week-end dernier, à Villeneuve-d’Ascq… même si cela s'est fait au prix d’une déception immense, voire d’un sentiment de trahison, pour ceux à qui il a laissé penser jusqu’au dernier moment qu’ils seraient sur le terrain.
Parce que Noah a prouvé une fois de plus qu'il protège ses joueurs, d'une certaine façon, en prenant beaucoup de place (médiatique).
Parce qu’il a la baraka : sur sept rencontres disputées depuis début 2016, cinq l’ont été en l’absence du joueur n°1 de l'équipe adverse, ce qui facilite quand même grandement la tâche.
Parce que, in fine, il a su guider, bien épaulé en cela par Cédric Pioline, co-capitaine et Loïc Courteau, entraîneur, une génération, individualiste, qui finissait par s’enliser dans une "culture de la lose" comme il l'a dit.
Enfin, parce que, tout simplement, cette victoire peut en appeler d’autres, et pourquoi alors ne pas rêver à un doublé tricolore qui n’a plus jamais été réalisé depuis… 1932, à l’époque des Mousquetaires."
NON : "Partir avec le sentiment du devoir accompli"
Par Nicolas ROUYER
"Lorsqu'il a été nommé capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis à l'été 2015, Yannick Noah avait évoqué "l'espoir fou" de remporter à nouveau la compétition. C'est fait et ce, dès sa deuxième campagne. L'histoire est belle et la mission, accomplie. Mais si la victoire a été au rendez-vous, le chemin pour y arriver n'a pas été simple pour lui. "Ceux qui sortent du cadre sortent de l'équipe", avait insisté Noah lors de son intronisation. Mais il a été obligé de revoir ses exigences à la baisse pour encadrer une génération bien différente que celles qu'il avait conduites à la victoire en 1991 puis 96.
Dès son entrée en fonction, il a pu mesurer le décalage qu'il existait entre lui et les "nouveaux Mousquetaires". Quand il a souhaité recevoir le Canada en Guadeloupe lors du premier tour de l'édition 2016, lui y voyait un symbole fort, Gaël Monfils seulement une contrariété calendaire. Il avait l'habitude de haranguer son joueur sur le banc, Jo-Wilfried Tsonga lui a demandé en demi-finales de ne pas parler entre les échanges. De fait, à certains moments, et même au début de la finale face à la Belgique, le Noah qu'on connaît, ambianceur et fournisseur d'ondes positives, semblait être totalement éteint.
Malgré une faible adversité - la Coupe Davis est de plus en plus boudée par les meilleurs joueurs du monde -, son pari de mener à la victoire ces joueurs-là, caractériels, n'a visiblement pas été simple à mener. Pourquoi dès lors courir le risque que l'aventure tourne en eau de boudin ? Car on l'oublie parfois, mais les années qui ont suivi les deux premiers sacres de Noah sur le banc ont été douloureuses : une élimination en quarts de finale en 1992 face à la Suisse et même une relégation en 1997 après une défaite au premier tour en Australie. Attention à l'année de trop. Et puisqu'il a déjà annoncé qu'il restait capitaine de l'équipe de France de Fed Cup, on lui conseille de se concentrer à 100% sur cette mission. Une mission délicate elle aussi, compte tenu de l'indécision de la meilleure joueuse tricolore, Caroline Garcia…"