Engluée dans une triste affaire de mœurs fin 2014, l'équipe d'Australie a réussi à s'en relever en moins d'un an. Le principal artisan de cette résurrection : le sélectionneur Michael Cheika. Appelé en remplacement d'Ewen McKenzie, démissionnaire après des rumeurs de relation extra-conjugale avec l'une des membres de son staff, Cheika a fait des Wallabies une équipe finaliste de la Coupe du monde, pour la première fois depuis 2003. "Il est arrivé en 2014 suite à la démission de l'entraîneur McKenzie pour un problème de lingerie féminine avec son attachée de communication et en un an, il a su trouver les mots, rassembler cette équipe", relève notre consultant Eric Blanc. "Il a pris le pouvoir mais en le partageant. Il a offert un nouveau cadre aux joueurs. Il y avait des problèmes d'alcool avec Quade Cooper et Kurtley Beale. Ils ont su rentrer dans le rang et adopter une nouvelle philosophie. Après les matches dans le Super 15, ils déjeunaient même ensemble et ça a permis de tisser des liens."
Fin de la disette face aux Blacks. Les résultats n'ont pas tardé à arriver. Le plus spectaculaire est intervenue le 8 août dernier quand les Wallabies ont mis fin à une série de dix matches sans victoire face aux Blacks (8 défaites et 2 nuls), à Sydney (27-19). ce succès leur a permis de remporter le Four Nations de l'hémisphère Sud avec trois succès en trois matches. Placés dans la poule la plus difficile, les Australiens en sont sortis invaincus, avec notamment deux victoires sur l'Angleterre (33-13) et le pays de Galles (15-6). Les deux matches à élimination directe, contre l'Ecosse (+1, avec une dernière pénalité plus que litigieuse) puis l'Argentine (+14), ont donné lieu ensuite à des rencontres pleines de suspense et de panache.
"C'est un peu naïf peut-être de vouloir toujours marquer des essais car on laisse des opportunités de contre-attaques, mais je crois que les Australiens veulent qu'on joue comme ça", relève Cheika. "C'est un peu notre habitude, notre ancienne culture. Je préfère jouer comme ça et perdre que jouer dans un autre sens et gagner. "Maintenant, On peut dire : 'on est content d'être finale'. Mais on peut aussi se dire : 'on peut faire quelque chose de plus grand encore qu'être content'".
Passé par Castres et le Stade Français. Est-ce en France que Cheika s'est familiarisé avec un rugby débridé porté sur l'attaque ? Peut-être. Cet ancien troisième ligne centre est passé par Castres et le CASG Paris au début des années 1990. Il a ensuite à Livourne, en Italie, avant d'embrasser une carrière d'entraîneur, des avants d'abord (à Padoue), puis d'équipe ensuite (Randwick en Australie puis le Leinster en Irlande). En 2010, le francophone Cheika est revenu en France, au poste de directeur rugby du Stade Français. Il ne resta en poste que deux ans avant de revenir en poste au pays, aux Waratahs, dans le Super 15. Dès sa deuxième saison, il a été champion, juste avant d'être appelé au chevet de l'équipe nationale. Aujourd'hui, à quelques jours de la finale, son principal objectif semble être celui de faire plaisir à son peuple.
"L'opportunité de donner du plaisir aux gens." "Il s'agit de mettre un engagement total dans chaque match, total", soulignait-il après la victoire sur les Pumas, dimanche. "Comme ça, les gens qui se lèvent à 2h ou 3h du matin, ils peuvent aller se recoucher ou aller au travail en étant fiers de leur équipe de rugby. C'est ça notre premier objectif, pas celui d'être la première équipe du monde. Et ce n'est pas le résultat qui fait ça, c'est la manière, comment on se comporte, comment on représente l'équipe d'Australie. C'est ça le rugby, l'opportunité de donner du plaisir aux gens, ce qui est quelque chose de rare aujourd'hui, des moments où on oublie ses problèmes. Il s'agit de se relâcher et de s'amuser avec notre équipe." Rien que pour ce discours, on se dit que Michael Cheika mériterait de soulever le trophée Webb-Ellis, samedi, à Twickenham...