Resté sur sa faim en cet automne tristounet après deux victoires sans saveur ni relief, le XV de France doit enfin montrer ce qu'il a dans le ventre samedi face à l'Australie, dernière occasion donnée aux Bleus de se jauger face à un des géants du Sud à moins d'un an de la Coupe du monde. Avec de la continuité dans leurs lignes, mais par un temps polaire au Stade de France, c'est surtout l'attaque française qui espère enfin se réchauffer pour enflammer le jeu et les coeurs. La petite histoire oubliera bien vite que ce choc entre les Wallabies et nos coqs aura connu son lever de rideau en cours de semaine, à Paris, où à l'une des meilleures tables de la capitale, quelques joueurs australiens et français, profitant de leur journée de repos, sont tombés nez à nez. On ne sait si d'une table à l'autre, le match a commencé à distance entre les huîtres en gelée et les Saint-Jacques rôties au beurre d'algue (voir par ailleurs), toujours est-il que ce premier contact n'a pu mettre qu'en appétit nos Bleus de France. Ça tombe bien, car à l'heure où cette série de tests automnale s'achève, on reste sur sa faim devant la production à peine correcte de ce XV de France, dont l'invincibilité après deux matches, aussi méritoire soit-elle, apparaît, il faut bien le dire, toute relative. Si ce n'était ces deux succès sans saveur face aux Fidji (34-12) et face aux Pumas (15-9), plombés à chaque fois par les conditions météo, on pourrait croire que les Bleus ne sont pas réellement sortis de ce long tunnel dans lequel les vainqueurs du Grand Chelem continuent de tâtonner depuis leur calamiteuse dernière tournée d'été... Et ces trois dernières semaines, sur le terrain comme en dehors, ont rappelé qu'à mesure que se rapprochait le grand voyage au pays du long nuage blanc, la crispation ambiante était de nature à la fois à gripper le jeu, mais aussi à éprouver les egos de chacun. Des états d'âme de l'un à l'éviction d'un autre, nommé pour le titre de meilleur joueur de l'année, pour ne pas le nommer, Marc Lièvremont mesure la difficulté grandissante du défi qui attend son groupe. Car la Coupe du monde, c'est déjà demain. Ou plutôt, c'est ce samedi, face à ces Australiens, encore au Stade de France, en attendant que le bon président Camou n'offre à ses protégés un jardin privé à 600 millions d'euros, qui se mérite... Ou la dernière opportunité offerte aux Bleus d'accrocher une équipe du Sud et donc de ne pas vivre un an avec ce doute sur la capacité de Dusautoir et ses coéquipiers à se montrer compétitifs face aux géants de l'autre hémisphère. Celui-là même que le rival anglais s'est épargné en châtiant ces Wallabies il y a deux semaines (35-18) (voir: Impossible n'est pas anglais). Sans victoire face aux Wallabies depuis... 2005 Ce test présente d'autant plus d'envergure pour les Tricolores que l'adversaire proposé, traditionnel poison pour les sélections françaises - les Bleus n'ont plus gagné depuis 2005 et un succès (26-16) au Vélodrome face aux Wallabies - reste la dernière grande nation à ne pas figurer au palmarès du sélectionneur Marc Lièvremont, qui ne tarit d'ailleurs pas d'éloges, ceci explique peut-être cela, à son sujet. "C'est une source d'inspiration pour toutes les équipes du Nord, n'hésite pas à complimenter le sélectionneur. Le point fort de cette équipe c'est son organisation offensive avec des lancements de jeu aboutis et beaucoup de recherche". Un jeu bien identifié et recherché, tout ce qui fait défaut à Lièvremont et à son staff, qui butent toujours autant sur la synthèse espérée entre les qualités avérées et établies de leurs avants et celles, encore limitées pour l'heure à l'état de potentiel de leurs trois-quarts. Un équilibre à trouver pour lequel le sélectionneur a enfin offert à sa ligne d'arrières la continuité attendue, symbolisée notamment par la reconduction des deux binômes, Parra-Traille, à la charnière, et Jauzion-Rougerie au centre. Une plate-forme encore sans doute plus nécessaire que la traditionnelle rampe de lancement de la mêlée française, confrontée à un paquet d'avants australien, aussi désarmant qu'il est annoncé friable, pour le décollage espéré et tant attendu de l'attaque française. Comme semble le prédire de ses voeux Morgan Parra, à nouveau associé à un Damien Traille, dont on espère qu'il aura plus la tête au jeu qu'à son avenir en club. "Quand on joue avec un nouveau 10, il faut essayer de comprendre son style de jeu, ses courses, lance le petit caporal. Aujourd'hui, c'est bien, c'est de mieux en mieux. On espère encore un peu plus sur les derniers entraînements et on espère que samedi ce sera parfait." La perfection n'est peut-être pas de ce monde, mais un match référence ne serait pas superflu à ce stade de développement de cette équipe de France. "Ce match est important pour eux et pour nous, confie Lièvremont. C'est leur dernier avant six mois. Ils ont réalisé une super saison internationale. Comme la Nouvelle-Zélande l'an dernier, je pense qu'ils ont mis ce match dans un coin de leur tête." Sous la neige annoncée dans le ciel du Stade de France et par le froid polaire promis sur Saint-Denis, les Bleus doivent montrer enfin de quel bois ils se chauffent. "Si on craque sur ce match, ça va tout nous foutre en l'air. On va beaucoup se remettre en question. C'est un match qui est très, très important pour nous", n'hésite pas à annoncer le pilier Thomas Domingo. Histoire de mieux passer l'hiver et ranimer pour de bon l'esprit du Grand Chelem...