Vainqueur lundi à New York de son quatrième tournoi du Grand Chelem, le troisième de l'année, Novak Djokovic continue d'écrire l'une des plus belles pages du tennis. Avec 64 victoires pour deux petites défaites, le Serbe réalise une "saison phénoménale" qu'un Rafael Nadal, pourtant au top de sa forme mais battu pour la sixième fois consécutive en finale, ne peut plus lui contester. Le "Djoker" est aujourd'hui le roi. L'impression d'avoir assisté à l'un de ces moments d'anthologie qui marque l'histoire du sport en question. Depuis juillet 2008 et cette fameuse finale de Wimbledon entre Rafael Nadal et Roger Federer, brillamment remportée par l'Espagnol, on n'avait pas vu autant de rythme dans les échanges, d'intensité dans les frappes de balle et d'excellence dans l'art de remporter les points qui comptent. Seul l'absence d'une cinquième manche, du suspense et du symbole qui lui incombe, ainsi que l'absence de variété dans les rallyes de fond de court, empêchent cette sixième finale de l'année entre Novak Djokovic et le Majorquin, de tutoyer sa devancière. Et encore, c'est à débattre. Quasiment trois ans après le chef d'oeuvre londonien, l'opposition a changé, le lieu et la surface du crime de lèse-majesté aussi, mais pas le sentiment qu'un nouvel homme fort s'est dégagé de cette folle nuit new yorkaise. Comme un ouragan. "Irène", qui a pourtant paralysé la Big Apple pendant un week-end entier à la fin du mois d'août, peut en effet souffrir de la comparaison face à son petit frère "Nole". Là où le premier, perdant progressivement en intensité, s'est transformé en tempête tropicale à son passage dans le Queens, pour ensuite se perdre dans le Canada, le cadet continue de sévir depuis le début d'année en Australie, a encore changé de catégorie à NY et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Nadal: "Ce qu'il réalise cette saison est probablement impossible à répéter" Car aujourd'hui, le tennis est un sport qui consiste à passer une balle jaune au-dessus du filet et dans les limites du court, et où, à la fin, Novak Djokovic hurle sa joie, harangue la foule et soulève les trophées. Avec une préférence notoire pour exécuter cette triptyque chronologique devant Rafael Nadal, son martyr préféré. Comme à Indian Wells, Miami, Madrid, Rome et Wimbledon, le nouveau numéro un mondial a montré qu'il était un cran au-dessus tactiquement et même mentalement que Nadal, accentuant encore un peu plus le complexe d'infériorité, que semble lui nourrir inconsciemment le taureau de Manacor depuis le printemps dernier et ces cinq revers successifs. "Novak fait des choses incroyables sur le terrain, a souligné un Nadal résigné en conférence de presse. Avec 64 victoires en 66 matches, 10 titres et désormais un "petit Chelem" (trois titres majeurs dans l'année) à son actif, le Serbe marche non seulement sur les traces du formidable John McEnroe de 1984 (82 victoires-3 défaites) mais assoit progressivement sa suprématie sur le circuit. Et qui sait s'il ne serait pas auteur d'un sans-faute si la reviviscence de Federer, aussi magique que soudaine, n'avait pas opéré sur le court central de Roland-Garros en juin dernier. Le Suisse avait alors réussi Porte d'Auteuil là où l'Espagnol, agressivité et coup droit pourtant retrouvés, a échoué, lundi soir, au terme d'un combat épique de plus de 4 heures (6-2, 6-4, 6-7, 6-1). L'US Open 2010 a marqué un tournant Depuis plusieurs semaines, "Djoko" sait mieux que quiconque annihiler le lift bondissant de son rival avec son revers, couper les trajectoires, trouver des angles remarquables et agresser son adversaire côté coup droit, une filière de jeu qui ne laisse pas une seconde à l'Espagnol pour s'organiser. La saison dernière, Nadal avait construit sa victoire à l'US Open en raccourcissant les échanges, grâce notamment à une première balle devenue l'espace d'un été studieux une arme redoutable. Cette finale perdue face au Majorquin, après une demie face à Federer où il avait (déjà) sauvé deux balles de match, a servi de déclic à Djokovic qui, depuis, a modifié sa programmation et son tennis pour hisser son niveau de jeu et franchir un cap. "Je ne pense pas avoir changé mon jeu de manière radicale sur les deux dernières années, s'est justifié le nouveau patron du circuit. C'est juste que je fais maintenant les coups que je ne faisais pas il y a deux ou trois ans. Je suis plus agressif et j'ai simplement une meilleure approche des demi-finales et finales des tournois majeurs, spécialement quand je joue contre deux grands champions, Rafa et Roger. Les deux dernières années, ce n'était pas le cas. J'essayais toujours d'attendre leurs erreurs ou juste d'aller sur le terrain jouer mon meilleur tennis, mais sans jamais vraiment avoir l'attitude et quelque part la croyance que je pouvais gagner. Donc cela a changé, j'imagine, et l'US Open 2010 a été un des tournants de ma carrière". Bingo ! Lundi, l'histoire n'a pas bégayé et a consacré le grand champion de l'année, peut-être tous sports confondus.