A la croisée des chemins. Drôles de destins croisés pour Massimiliano Allegri et Jürgen Klopp. L'un règne en maître sur l'Italie sans gagner le respect des tifosi, l'autre, embourbé dans le ventre mou de la Bundesliga, est adulé par les siens et respecté par ses pairs. Des destins qui vont se croiser une nouvelle fois mercredi soir, pour le match retour des huitièmes de finale de la Ligue des Champions, après un premier acte remporté par la Juventus Turin dans son stade 2-1 à l'aller.
Allegri encense Klopp. L'entraîneur italien de la Vieille Dame et le coach allemand du Borussia Dortmund n'ont rien ou presque en commun. Ce qui n'empêche pas Allegri de profondément respecter le travail de Jürgen Klopp, à la tête de Dortmund depuis 2006 : "Il a fait de grandes choses, il a reconstruit son club depuis 2006, il a remporté la Bundesliga et atteint la finale de la Ligue des Champions, c'est un grand entraîneur."
Mais Allegri moque les performances de Dortmund. Un hommage qui n'a pas empêché le technicien italien de glisser une pique à son adversaire du jour : " Je n'envie pas le classement du Borussia, c'est lui qui doit envier celui de la Juve". Et pour cause, les bianconeri, doubles champions en titre, sont tout près d'un troisième sacre consécutif. Avec 14 points d'avance sur leur dauphin la Roma, qui marque le pas depuis la trêve, les Pogba, Vidal et autres Tévez ont l'Italie à leur botte. A l'inverse, le BVB, lui, réalise une bonne deuxième partie de saison (cinq victoires et un nul sur les six derniers matchs de championnat). Tout juste de quoi rattraper les premiers mois de la saison, si catastrophiques que Dortmund s'était retrouvé lanterne rouge du classement en décembre. Mais pas de quoi remettre en cause la présence de Jürgen Klopp sur le banc pour autant. Car c'est peu dire que là-bas, le technicien à lunettes est une icône.
Beaucoup de hauts et un peu de bas. Bonne dernière, l'équipe de Jürgen Klopp n'avait pourtant remporté que trois matchs en 13 journées de championnat. Dans la tempête footballistique, le capitaine est souvent sacrifié. Mais à Dortmund, Klopp est resté seul maître à bord. Il faut dire que l'ancien attaquant de Mayence a quasiment ressuscité le BVB. Au sommet de l'Europe en 1997, année où le club remporte la Ligue des Champions contre… la Juventus de Turin, le club de la Ruhr s'est ensuite endormi de longues années durant. Jusqu'à l'arrivée de Klopp, et avec lui d'un style, d'une certaine idée du jeu, et d'une capacité sans égale à faire de joueurs prometteurs des stars en puissance.
Un style "Klopp". De Lewandovski à Götze ou Reus pour ne citer que les dernières pépites polies par Klopp, Dortmund est devenu le seul adversaire crédible du Bayern. A tel point que les jaune et noir ont remporté deux championnats en 2011 et 2012, et sont parvenus en finale de la Ligue des Champions en 2013, seulement battu par leur meilleur ennemi bavarois. Outre des résultats, Klopp a aussi amené un style sur et en dehors du terrain: un jeu léché, faits de mouvements constants et de passes à ras-de-terre, porté par son énergie débordante sur le banc de touche.
Un charisme combiné à une confiance aveugle de ses dirigeants qui lui permettent d'être encore aujourd'hui solidement installé à la tête de son équipe :"Je ne suis pas quelqu'un qui démissionne. Avec moi, c'est tout ou rien. Je suis un battant, et un meilleur entraîneur qu'en 2012. Malheureusement, ça ne se voit pas au classement", avait-il déclaré au plus fort de la tempête.
Allegri, en toute discrétion. La tempête, Massimiliano Allegri ne connaît pas. Et il ne s'en plaint pas. Son équipe, la Juventus de Turin est à son rythme de croisière, et vogue sans encombre vers le titre en Série A. Un parcours sans remous qui convient bien à Allegri, qui doit tout de même relever un défi : faire de la Juve un grand d'Europe, elle qui ne s'est plus hissée dans le dernier carré de la Ligue des Champions depuis la saison 2002-2003 (finaliste). Le problème, c'est qu'Allegri arrive après Antonio Conte, très respecté dans le Piémont pour avoir remis le club sur les bons rails. Allegri a beau être un latin, c'est un homme calme et discret, très éloigné du style comedia dell'arte de son prédécesseur.
Dépasser le maître. Allegri a beau avoir été désigné meilleur entraîneur de la Série A en 2010, il reste pour beaucoup l'entraîneur qui a accompagné la déchéance du Milan AC, participant à son chant du cygne, un dernier Scudetto remporté en 2011. Arrivé à Turin dans ses petits souliers en début de saison, il s'est sagement inscrit dans la continuité de son prédécesseur. Qui n'hésite pas à lui faire sentir que cette Juve est toujours "sa" Juve dans la presse: "Je m'attendais à un championnat plus disputé. Si cette Juve avait la méchanceté de ma Juve, elle aurait 20 points d'avance". Sauf qu'Antonio Conte n'a jamais réussi à amener "sa" Juve plus haut que les quarts de finale. Pour mieux faire, Allegri doit d'abord passer les huitièmes. La condition sine qua non pour espérer sortir enfin des traces de son prédécesseur.
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