Leader invaincu de Serie A après douze levées, la Juventus Turin est redevenue la machine à gagner d'antan. Une culture de la victoire sans étincelle parfaitement incarnée par Simone Pepe, soldat besogneux et buteur décisif face à la Lazio (0-1), samedi dernier. Le milieu international, jugé un peu trop vite pour son allure gauche, sera encore l'une des clés du match en retard des Bianconeri face à Naples, mardi soir. Face à des modèles d'esthétisme comme le délié Krasic ou le vrombissant Elia, le prototype Pepe aurait bien du mal à taper dans l'oeil de nouveaux acheteurs. Un peu cabossée, pas vraiment gracieuse, la berline incarnée par l'ailier juventino prendrait plutôt la forme d'un vieux tacot customisé que celle d'un coupé clinquant. Pourtant, l'auto toujours aussi mobile avale les kilomètres sans bourdonnement et avec une efficacité maximale. Au point que l'entraîneur Antonio Conte a laissé, depuis plusieurs semaines, ses bijoux de technologie au garage pour prendre la route tous les week-end avec son véhicule familial. Celui dans lequel on embarque en cas de déplacement musclé. Celui qui ne nous a jamais lâché dans les rendez-vous importants. Ce plaisir coupable dont on a parfois honte mais dans lequel on se sent si bien. Et comme tous les étés, quand l'intersaison ensoleillé nous donne des ailes et que nos voisins (AC Milan, Lazio Rome, Inter Milan) nous chambre du coin de l'oeil avec leur tout nouveau "joujou", on est tenté de revendre sa vieille chariote pour être le plus beau du quartier. Conte, le bizuth stakhanoviste, s'est laissé tomber dans le piège du consumérisme en se procurant les overhypés Elia, Giaccherini et Estigarribia. Trois jeunes et prometteurs joueurs de couloir destinés à faire de l'ombre au besogneux Pepe. Mais ce brut de décoffrage, fabriqué dans la province romaine, n'est pas du genre à voir au argus à combien s'élève sa cote de reprise. Alors, il joue pour sa survie dans l'effectif de la Vieille Dame en mettant son incroyable moteur au service de son altesse. Et ça roule ! Pas toujours titulaire, l'international italien (21 sélections) s'est néanmoins rendu indispensable aux yeux d'un Conte, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau lorsqu'il était encore le bandiera de la grande Juve dans les 90's. Les deux hommes partagent en effet un style assez similaire, moins porté sur la beauté extérieure (facilité technique) que sur le sens du sacrifice, l'intelligence tactique et le culte de la victoire. Soit la parfaite personnification du leimotiv bianconero signé Giampiero Boniperti, président des années fastes : "Gagner n'est pas important. C'est l'unique chose qui compte." Ce n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard si c'est l'ancien pourvoyeur de Di Natale à Udine qui a conforté les siens dans le fauteuil de leader en Serie A, en marquant le but décisif contre la Lazio (1-0), samedi. Une réalisation à son image: disgraciée mais pleine de grinta. Ce Pepe-là fait plus que de la résistance.