Chaque année, Hervé Mathoux est l'homme qui commente le plus de matches en France : des dizaines, des centaines de millions de matches. Depuis 2006, le présentateur du "Canal football club" sur Canal+ est en effet la voix française de la simulation de jeux de football Fifa, deuxième bien culturel le plus vendu en France, avec 1,5 million d'exemplaires. L'édition 2014, très attendue, sort ce vendredi 27 septembre. Etape primordiale vers la finalisation du produit : les commentaires, essentiels au réalisme du jeu et au plaisir du joueur-spectateur. En mai dernier, Europe1.fr a été invité dans les coulisses de l'enregistrement.
Un petit studio cossu au sein d'une entreprise spécialisée sise dans le 11e arrondissement de Paris. Des numéros, des expressions et des phrases défilent sur un écran de contrôle devant lequel a pris place le journaliste de Canal+. "La passe de Luis Suarez", "le dégagement du gardien", "quelle intervention du défenseur"... Les formules défilent à vitesse grand V et le débit est métronomique. Contrairement à son complice vidéo-ludique Franck Sauzée, Hervé Mathoux passe plus de temps en studio car il doit se "coltiner" tous les noms de joueurs.
Hervé Mathoux aligne les noms de joueurs :
Tous les joueurs n'ont pas droit au même traitement que l'attaquant de Saint-Etienne. "Ça dépend du statut du joueur", explique Hervé Mathoux. "Il y a des joueurs assez improbables sur lesquels on ne va faire qu'une intensité. Pour tous les joueurs de Ligue 1, et pas seulement les attaquants, on fait trois intensités (une calme, une vive et une très vive, pour les situations chaudes, ndlr). Et puis, les stars, les joueurs qui vont être le plus sollicités, qui vont le plus souvent garder la balle, on fait trois intensités plus deux ou trois alternatives, avec des petits mots".
Lionel Messi, visage du jeu et quadruple Ballon d'Or, bénéficie évidemment d'un traitement aux petits oignons avec une dizaine d'expressions différentes, à base de "Allez, Messi" ou "Messi qui dribble", des formulations qui peuvent varier d'une année sur l'autre et qui sont protégées : interdiction de filmer ou de prendre en photo les écrans de contrôle...
"Les championnats du Luxembourg, de Hong-Kong"
"Au début, quand j'ai commencé à doubler Fifa, je faisais des sessions de neuf, dix, onze jours parfois, mais là, on est sur quatre jours", admet Hervé Mathoux. En effet, une fois entré dans la base, les noms des joueurs ne sont pas tous réenregistrés. "On enregistre presque tous les noms de joueurs, on en fait des milliers. En France, on fait tous les joueurs de Ligue 1, y compris la réserve et parfois avec des mises à jour, comme lors de la signature de Zlatan Ibrahimovic au PSG. On fait tous les joueurs de Ligue 2, on fait aussi les joueurs des championnats du Luxembourg, de Hong-Kong." Ces championnats viennent s'ajouter à ceux dont dispose déjà la franchise : les grands championnats européens mais aussi d'autres plus pittoresques comme l'Arabie Saoudite, l'Australie ou la Corée du Sud. Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes au moment d'enregistrer le nom des joueurs.
"Les joueurs de l'Azerbaïdjan, on ne maîtrise pas forcément" :
Parfois, l'erreur de prononciation fait polémique, comme lors de l'"affaire Piqué". "On l'a rentré dans le jeu alors qu'il était à Manchester United", explique Hervé Mathoux. "Il avait 17 ans, il n'avait jamais joué, personne ne le connaissait. On a vu arriver un nom en majuscule, PIQUE, on a dit Pique (sans le "é") et ce joueur, deux ans après, il a commencé à jouer au Barça et tout le monde nous l'a reproché : "ils sont débiles", ils disent Pique alors tout le monde sait qu'on dit Piqué. Nous aussi, on le sait mais à l'époque, on ne le savait pas." Du coup, toutes les équipes de développement du jeu, dont Hervé Mathoux n'est que la voix émergée, redoublent de vigilance pour ne pas commettre un nouvel impair.
Mais tous ces noms, ce n'est pas un peu usant ? "C'est fastidieux, oui", sourit le journaliste. "Je ne pourrais pas le faire toute l'année, c'est sûr mais là, comme c'est quelques jours, ça va. Je suis content de m'y mettre mais je suis aussi content quand ça se termine." En revanche, dans votre salon, ça ne fait que commencer...