"Je pense que Michel a bien regardé au niveau mondial quelle était la perception de ses qualités." La phrase lâchée au micro d'Europe 1 par le président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, pour évoquer l'annonce de la candidature de Michel Platini à la présidence de la Fifa, est lourde de sens. Car si on lui enlève son vernis diplomatique, que signifie-t-elle ? Que l'actuel président de l'UEFA s'est assuré de ne pas allé au casse-pipe.
"L'Amérique du Sud lui a dit oui, la Concacaf également, l'Afrique et l'Asie", révèle même le boss de la "3F". En clair, "Platoche" s'est assuré auprès des fédérations nationales - qui élisent le président de la Fifa -, d'avoir assez de soutiens pour être certain, ou quasi certain, d'être élu, le 26 février prochain. Jeudi, le confédération asiatique a même déjà annoncé qu'elle invitait ses 47 membres à voter pour le "meilleur candidat" : Michel Platini.
"Le plus dur est fait, entre guillemets." "Pour connaître un peu le fonctionnement de Platini - un champion, une vraie bête de compétition -, s'il se lance dans la campagne aujourd'hui, c'est qu'il a déjà convaincu (les fédérations)", insiste le journaliste Arnaud Ramsay, qui connaît bien le dirigeant Platini pour avoir écrit un ouvrage sur le président de l'UEFA*. "Ça fait déjà deux mois qu'il est allé voir les différents patrons de fédération de par le monde, donc 'le plus dur est fait', c'est-à-dire que s'il se présente, c'est qu'il a la conviction d'être élu."
Platini, qui a refusé le combat avec Blatter au printemps dernier, sait qu'aujourd'hui le moment est idéal pour lui, alors que le dirigeant suisse, à peine réélu, a démissionné sous la pression des différentes enquêtes concernant la Fifa. "Il s'est éloigné, il a laissé faire et il revient sûr de lui et sûr de ce qu'il peut apporter au football mondial, comme il a apporté au football européen", relève Michel Hidalgo, qui a été le sélectionneur de Platini quand il portait le maillot des Bleus, dans les années 80.
"La double légitimité du sportif et du politique." Sûr de lui, Platini peut aujourd'hui s'enorgueillir d'une double qualité : celle d'ancien grand joueur et celle de grand dirigeant. Président de l'UEFA, Platini est également membre du comité exécutif de la Fifa, auquel l'UEFA est rattachée. "Platini a l'expérience de l'UEFA depuis 2007, il a l'expérience de la Fifa depuis 2002, donc il connaît bien cette grande machine, il va avoir de la concurrence mais aujourd'hui, Platini est le favori", souligne Pim Verschuuren, chercheur à l'Institut des relations internationales (Iris), spécialiste de l'impact du sport.
"Ils n'ont pas la carte politique, Platini a la double légitimité du sportif et du politique." Difficile, effectivement, de dire le contraire : le Brésilien Zico et l'Argentin Maradona, deux anciens n°10 qui ont également montré des envies de candidature, n'ont jamais eu les mêmes responsabilités que Platini. De leur côté, le prince Ali, le Sud-Coréen Chung Mong-joon ou le libérien Musa Bility ne peuvent se prévaloir d'avoir été triple Ballon d'Or...
Deux inconnues : Blatter et le Qatar. Alors, gagnée d'avance cette élection ? Peut-être pas. "La campagne va se poursuivre jusqu'à l'élection fin février, donc il y a plusieurs mois encore devant nous", insiste Pim Verschuuren. "Des concurrents ont déjà souligné les casseroles ou les potentiels défauts de la candidature de Platini. On le présente en France comme quelqu'un d'extérieur qui viendrait un peu nettoyer la Fifa dans ces temps très difficiles mais Platini est au comité exécutif de la Fifa depuis 13 ans. C'est devenu quelqu'un de politique qui connaît bien la gouvernance du football donc lui va jouer sur cette expérience mais ses adversaires vont souligner le fait qu'il vient du milieu et que forcément il y a peut-être des compromissions."
Le principal danger pour Platini n'est donc peut-être pas devant lui, mais derrière. Il a d'abord été l'homme lige de Sepp Blatter à ses débuts. Que va faire le dirigeant suisse à son ancien protégé jusqu'à son départ de la présidence, dans sept mois ? Lui savonner la planche, par revanche ? Ou opter pour une transition en douceur, histoire d'assurer sa sortie ? Par ailleurs, en décembre 2010, Platini a voté pour le Qatar lors de l'attribution de la Coupe du monde 2022. Il ne s'en est jamais caché, évoquant même l'amicale pression que lui aurait mise le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, en l'invitant à l'Elysée en présence de l'émir du Qatar. "Il a toujours nié toute tentative de corruption lors de ce vote mais ses concurrents vont suivre l'évolution des dossiers sur l'attribution de la Coupe du monde au Qatar, et notamment l'enquête aux Etats-Unis", conclut Pim Verschuuren. Michel Platini sait qu'il mène le jeu mais il sait aussi qu'il ne doit pas commettre de faute jusqu'à Jusqu'au 26 février 2016..
*Président Platini, Arnaud Ramsay et Antoine Grynbaum, Grasset, 320 pages, 18,90 euros.