Sur un terrain de foot, la défense n'était pas le fort de Michel Platini. Devenu candidat à la présidence de la Fifa, l'ancien n°10 des Bleus a bien été obligé de s'y mettre. Suspendu de toutes fonctions dans le football le 8 octobre dernier par la commission d'éthique de l'instance de régulation du football international, Michel Platini et son équipe de conseillers sont engagés depuis près de deux mois dans un marathon juridique. Le 24 novembre dernier, son avocat a annoncé que la chambre d’instruction de la commission d'éthique avait requis une radiation à vie contre l'actuel président de l'UEFA. Désormais, la marge de manœuvre de l'équipe Platini est limitée. Mais "Platoche" a toujours été à l'aise dans les petits espaces. Alors...
Le TAS, organe suprême en matière de justice sportive. Le candidat Platini est désormais suspendu à la décision de la chambre de jugement de la commission d'éthique de la Fifa. Difficile de croire que celle-ci, présidée par le magistrat allemand Hans-Joachim Eckert, va contredire sa chambre d'instruction. Et s'il n'est pas radié à vie, Platini devrait être lourdement sanctionné. Son avocat, maître Thibauld d'Alès, a d'ores et déjà déclaré qu'il n'y avait "plus aucune crédibilité à accorder à la Fifa". De fait, on voit mal la commission d'éthique aller désormais dans le sens de son client.
Le dirigeant français a d'ores et déjà saisi le Tribunal arbitral du Sport (TAS), organe suprême en matière de justice sportive, pour juger de sa suspension provisoire. L'instance, dont le siège se situe à Lausanne, en Suisse, devrait rendre sa décision la semaine prochaine. "Le TAS est une juridiction d'appel d'une décision qui est rendue par une fédération internationale. Et à partir du moment où le TAS est saisi et qu'il rend une décision qui infirme la décision rendue par la fédération internationale, c'est la décision du TAS qui s'applique", explique au micro d'Europe 1 Me Patrick Anton, avocat spécialiste en droit du sport.
Epinglé par la Fifa, Platini espère que le TAS viendra lui offrir une bouffée d'air frais. D'après Patrick Anton, c'est tout à fait possible. "On est là dans une juridiction où on sort du football, qui va s'appuyer sur des considérations juridiques", insiste l'avocat. "Ce qui me choque dans cette affaire, c'est qu'on n'attende pas que la justice suisse rende son jugement. S'il y a effectivement un recel d'abus de biens sociaux (lié au versement de près de deux millions d'euros à Michel Platini, ndlr), la commission d'éthique de la Fifa sera en droit de le sanctionner mais s'il n'y a pas d'élément susceptible de le sanctionner sur un plan pénal, il ne peut y avoir de manquement à l'éthique. Je trouve qu'on s'est un peu précipité, peut-être pour des raisons politiques, peut-être pour des raisons de règlements de compte mais un juriste ne peut être que choqué par les sanctions qui sont prises par la Fifa, sous réserve qu'on s'oriente vers une radiation de Michel Platini."
Contacté par Europe 1, Thomas Clay, professeur de droit et conseil de Platini, énumère les coups bas et les mesquineries dont aurait été victime le dirigeant français, et qui sont autant d'arguments à faire valoir devant le TAS, en plus de celui avancé par Patrick Anton : pas de débat contradictoire, un accès à l'ensemble du dossier verrouillé à double tour, une procédure trop lente pour ne pas paraître suspecte. Platini a ainsi dû attendre un mois avant de recevoir une réponse à son appel. Un événement étonnant a même retardé la procédure. Lorsque Platini a envoyé sa demande d'appel suite à sa suspension, il a longtemps attendu l'accusé de réception. Et, pour cause, au siège de la Fifa, le fax avait été débranché...
Le match est loin d'être fini... Si le TAS venait à lever la suspension de Platini, ce qu'espèrent tous ses défenseurs, ce ne serait pas encore une victoire, mais un but important de marqué sur le chemin de sa candidature. Car on peut penser que si Platini se tourne à nouveau vers le TAS en cas de radiation à vie, celui-ci lui donne raison une deuxième fois. A moins que la commission d'éthique de la Fifa n'ait plus qu'un paiement différé à reprocher à Michel Platini...