A la veille du tirage au sort de la phase de poules de la Ligue des champions, jeudi à Monaco, Michel Platini s'est livré sans détour au micro de Nicolas Poincaré et de François Clauss, mercredi sur Europe 1. Fair-play financier, transferts records, dopage ou racisme : le président de l'UEFA a balayé l'ensemble de l'actualité du football européen, avec envie et maîtrise, comme il était sur le terrain.
Transferts. Dans sa chronique dans la matinale d'Europe 1, Daniel Cohn-Bendit s'est étonné mercredi de la somme, énorme et symbolique, que s'apprêterait à dépenser le Real Madrid pour s'attacher les services du Gallois Gareth Bale : près de 100 millions d'euros. "C'est vrai que ça surprend d'acheter 100 millions un joueur mais s'ils ont l'argent...", a reconnu Platini.
"S'ils avaient acheté trois joueurs de 30 millions, on n'aurait rien dit. C'est un autre débat de savoir si Bale vaut 100 millions." De la même façon, le président de l'UEFA ne trouve rien à redire aux investissements massifs du PSG ou de Monaco. "Ce qui se passe à Monaco, ça se passe en Ukraine, en Russie, un peu partout", souligne-t-il. "Nous, on essaie de mettre des règles. On n'est pas là pour tuer les clubs, on est là pour les sanctionner durement et les amener à quelque chose de régulier."
Fair-play financier. Et ce "quelque chose de régulier", Platini entend les y amener via le fair-play financier, principe adopté en 2009 selon lequel les clubs ne pourront pas dépenser plus qu'ils ne gagnent. "Je me base sur : est-ce qu'ils ont l'argent pour le faire ? S'ils n'ont pas l'argent, ça, on ne l'acceptera plus dans le futur. Mais s'ils ont l'argent, ils le dépensent comme ils le veulent."
Le fair-play financier s'applique à partir de cette saison. "Ce n'est pas Michel Platini qui a décidé de ça, c'est l'ensemble du football européen", insiste-t-il. "Il n'y a jamais eu une décision qui a fait autant l'unanimité. Il y a deux chambres indépendantes mises en place, une d'investigation et une de sanction. (...) On a donné quatre ans aux clubs pour se mettre en adéquation et à partir de mai 2014, des décisions et des sanctions vont être prises." Celles-ci iront de l'amende jusqu'à l'exclusion de toute compétition européenne.
Qatar. Près de deux ans après, le choix de confier l'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar continue de surprendre. "J'avais annoncé que je voterais pour le Qatar", a précisé Platini. "Je suis quelqu'un de pragmatique qui pense au développement du football mondial. La Coupe du monde doit aller dans tous les pays du monde. J'ai dit à l'émir du Qatar : "je voterai pour vous mais je me battrai pour que ce ne soit pas en été et j'essaierai de vous influencer pour faire d'autres matches dans tout le Golfe et pas simplement au Qatar".
"Si, pour le moment, le projet de "Coupe du monde du Golfe" se heurte semble-t-il aux réalités géopolitiques de la région, Sepp Blatter, président de la Fifa, a en revanche désormais fait sienne l'idée d'organiser le Mondial en hiver. "On peut décaler un peu les championnats. S'il y a une trêve d'un mois pendant laquelle on fait la Coupe du monde en hiver, je ne vois pas où est le problème", insiste Platini. "A la place de finir au mois de mai comme on finit d'habitude, on finira au mois de juin."
Racisme. Mardi soir, en barrage retour de la Ligue des champions, une tribune du stade du Legia Varsovie avait été fermée face au Steaua Bucarest après que ses supporters eurent entonné des chants racistes lors du tour précédent. Ce n'est là qu'un exemple des mesures qui pourront être prises à l'encontre des clubs, selon Platini.
"Le racisme, c'est quelque chose d'obscur puisque les gens se cachent dans les stades pour être racistes. C'est difficile de les "choper". Nous avons pris beaucoup de mesures et nous avons durci les sanctions lors du dernier congrès (de l'UEFA) à Londres. Nous sommes sur un point de tolérance zéro. Nous avons également donné les moyens aux arbitres d'arrêter le match. Et s'ils arrêtent un match, ce sera une preuve forte du combat contre le racisme. On ne peut pas supporter ça indéfiniment."
Dopage. Alors que les cas positifs font souvent la Une de l'actualité dans d'autres sports, notamment dans le cyclisme ou l'athlétisme, le président de l'UEFA a estimé qu'il n'existait pas de "dopage organisé" dans le football. "Nous avons effectué lors de la saison 2012-13 plus de 1.800 contrôles antidopage. Et même quelques-uns hors compétition. On va faire des contrôles sanguins, avec les sélections mais aussi dans les clubs. Ce que je pense depuis longtemps, c'est qu'il n'y a pas de dopage organisé dans le football."
Outre le dopage, Platini entend également lutter contre les paris truqués. La semaine dernière, deux arbitres arméniens qui avaient officié en Ligue Europa ont ainsi été suspendus à vie. "On a un système d'alerte, on fait un travail de base là-dessus. (...) (Le récent procès de Bochum, en Allemagne) a fait état de 250 matches truqués la dernière fois mais sur plusieurs millions de rencontres qui ont lieu chaque saison..."
Ambition. Réélu pour quatre ans à la présidence de l'UEFA en 2011, Platini va arriver au bout de son second mandat en 2015, année où Sepp Blatter devrait quitter la tête de la Fifa... Le calendrier colle mais le principal intéressé a-t-il envie de briguer le poste actuel du Suisse ? "Je ne sais pas, c'est un peu tôt, c'est dans un an et demi. J'ai dit que je dirai quelque chose en septembre à Dubrovnik, lors du congrès de l'UEFA. "Je ne dis pas que je vais dire que je vais me présenter, mais je vais dire quelque chose."
Pourtant, la Fifa, plus puissante fédération sportive au monde, paraît la suite logique. "Pas sûr que le président de la Fifa soit plus puissant. Financièrement, nous (l'UEFA) générons entre 1,7 et 2 milliards d'euros tous les ans. La Fifa génère 1 milliard d'euros..." En attendant, l'ancien meneur de jeu des Bleus a encore envie de militer pour le football européen : "(Son poste de président de l'UEFA) Ce n'est pas le pouvoir pour le pouvoir, j'ai changé la Ligue des champions, j'ai changé des règles du foot, j'essaie de tout faire pour que le football reste un jeu." Et l'enfant de Joeuf prend son actuelle mission très à cœur : "j'ai du mal à me souvenir que j'étais footballeur, mais je suis content que les gens me le rappellent de temps en temps..."
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