Le football, ce n'est pas seulement la Ligue des champions et ses affiches de prestige, comme PSG-Barça. Le football, ce n'est pas seulement Neymar ou Lionel Messi. A rebours du "tout stars", Romain Molina, journaliste basé à Édimbourg, en Écosse, nous offre une savoureuse galerie de galériens du foot : onze joueurs et un entraîneur pour une équipe à la lisière du professionnalisme, là où se rêvent les grands destins. Mais se rêvent seulement. La parole est volontairement donnée aux acteurs dans un style sec et documentaire. D'une expérience à l'autre, les mêmes événements reviennent : l'essai qui se passe mal, la promesse d'un contrat qui s'envole, le salaire qui ne vient pas. Loin de jeter un regard ironique ou moqueur sur les parcours des uns et des autres, Galère football club* met en lumière un autre football, pas forcément plus respectable mais sans doute plus authentique. Europe 1 vous a sélectionné cinq petits extraits qui sont autant d'anecdotes croustillantes, cinq exemples de ce football autre...
Joslain Mayebi, les menaces de mort en... D1 israélienne. Après avoir évolué avec la réserve du FC Metz puis quelques mois à Chypre, le gardien camerounais tente l'aventure en Israël, au Hakoha Ramat Gan. La fin de saison 2008-09 se passe bien. Mais, comme souvent, c'est au moment des rumeurs de transfert que les choses se gâtent... "Les médias écrivent que je vais signer dans ce club et le président l'apprend. Il avait déjà menacé l'entraîneur. Quand on est sur le chemin, l'entraîneur, devenu donc mon agent, reçoit un coup de fil anonyme : 'si Joslain va dans ce club-là, ta famille et toi vous êtes morts'." Finalement, le président, qu'il surnomme "le Parrain", le convainc de rester avec espèces sonnantes et trébuchantes. Et le prête dans la foulée. Un arrangement avait été conclu avec le Beitar Jérusalem. Il était donc hors de question que Joslain soit transféré dans un autre club...
Grégory Arnolin, le faux départ en... D3 portugaise. Entre 18 et 21 ans, quand certains connaissent déjà le haut niveau, Grégory Arnolin écume lui les pelouses de promotion d'honneur. Puis vient à ses oreilles une proposition de contrat, pour un pote et lui, en troisième division portugaise, du club de Pedras Rubras... "Tout est prévu. Sauf que quand on arrive à l'aéroport, personne n'est là pour nous récupérer. L'agent qui devait venir nous a posé un lapin. On n'a pas trop d'argent sur nous, donc on prend un petit hôtel. Au bout de deux jours, on n'a plus d'argent. Pour manger, on doit voler. La veille du départ (vers la France, ndlr), on dort dans la station de bus." Finalement, ce "problème d'organisation" sera résolu lors du deuxième rendez-vous et Arnolin se fera un nom au Portugal, avant de rejoindre le Sporting Gijon, en Espagne, où il se frottera à Zlatan Ibrahimovic ou Cristiano Ronaldo...
Youness Bengelloun, le clip avec la femme du président en... D1 bulgare. Les fans les plus acharnés du PSG se souviennent peut-être de Youness Bengelloun, qui a évolué avec la réserve du club de la capitale au début des années 2000. Après avoir découvert la Suisse, l'Espagne, la Grèce et Chypre, Bengelloun atterrit au Lokomotiv Plovdiv en 2010. Et découvre que la femme du président est chanteuse. Le joueur raconte alors le dialogue qui s'installe avec elle : "'Viens sur Sofia, on te récupérera à tel endroit et on t’emmènera au studio. - Je dois emporter quoi : chemise, veste ? - Un caleçon, juste un caleçon.' J'ai fouillé dans mon placard, j'ai pris tous mes caleçons : bleu, blanc, rouge (rires). J'ai fait le clip comme ça, torse nu, en caleçon. J'avais déjà la cote avec les filles, ça a encore plus arrangé ma popularité." Ainsi que celle dont il jouissait en Bulgarie, puisque, dans la foulée, il a évolué au CSKA Sofia. Sans grand succès...
Claude Gnakpa, l’enthousiasme débordant en... D1 irakienne. Il est le seul Français à avoir évolué en Irak, à Al-Mina'a, lors de la saison 2012-13. Son témoignage est donc d'autant plus précieux. Claude Gnakpa, qui sortait d'un prêt guère concluant à Inverness, en D1 écossaise, décrit un pays fondu de foot et une ambiance survoltée, notamment lors du derby contre Naft Al-Janoob, club qui appartient à une compagnie de pétrole... "Pour ce derby, on arrive une bonne heure et demie avant le match, le stade est plein. Drapeaux, tambours, chants. C'est ce que je veux vivre en tant que footballeur, ce genre d'ambiance ! Bon, les Irakiens sont peut-être un peu agressifs, genre ils te prennent par le bras et font une photo (rires). Mais l'effervescence, c'est unique." Après l'Irak, Gnkapa a joué en Inde...
Jérémy Funès, le dopage dans les vestiaires en... D6 anglaise. Originaire de la région lyonnaise, Jérémy Funès n'a jamais évolué à l'OL. En revanche, il a porté les couleurs de Chelmsford, un club de sixième division anglaise, division semi-professionnelle, un club dans lequel il avoue avoir vu des "scènes surréalistes"... "Avant un match, je vais aux toilettes. Et là, je vois un mec se masser les bourses. Je suis super gêné. Il vient me voir et on parle un peu. Je lui demande ce qu'il faisait. Il me répond qu'il se massait avec de la crème d'hormones de cheval. Tu peux soit l'avaler, soit te masser pour que ça fasse effet, paraît-il. Après le match, je vois dans les douches un autre mec avec plein de petits points rouges aux fesses. C'était assez bizarre. Il m'explique qu'il se fait une injection de testostérone de taureau avant les matches !" Le tout en sixième division, donc. Finalement, Jérémy n'a pas signé à Chelmsford, mais à Guildford. En huitième division.
*Galère football club, de Romain Molina, Hugo Sport, 299 pages, sortie le jeudi 16 avril.