Elément clé du système rossonero dans les années 2000, Gennaro Gattuso n'a plus qu'une influence minime sur les performances de l'AC Milan, qui s'apprête à affronter l'AS Roma, samedi soir, pour le compte de la 10e journée de Serie A. Le chien fou calabrais, handicapé par une sérieuse blessure à l'oeil, a peut-être même disputé l'ultime match de sa carrière le 9 septembre dernier face à la Lazio Rome. Une vision cauchemardesque pour les tifosi. Gennaro Gattuso nage en plein flou artistique. Un effet dont se serait bien passé ce visionnaire atypique, dont le match de foot idéal se déroulerait "un soir d'hiver, sous la pluie, dans le froid, avec de la fumée qui se dégage des corps à la moindre respiration". Le milieu calabrais de l'AC Milan devrait, selon toute vraisemblance, attendre la saison prochaine pour atteindre le nirvana esthétique puisque les médecins du club rossonero lui ont prescrit un repos de "deux à six mois". Un minimum pour soigner sa folie passagère. "Rhingio" souffre en effet d'une paralysie du sixième nerf crânien qui affecte sa vue et notamment son oeil gauche. "Les 20 minutes que j'ai jouées contre la Lazio ont été un cauchemar, confiait ainsi Gattuso le 9 septembre dernier, après ce qui reste sa dernière apparition sur un terrain. Je me sentais comme ivre. Je pouvais voir Zlatan dans quatre positions différentes sur le terrain." Plutôt troublant pour un soldat qui confondait, avant même cette soudaine lésion, ballons et chevilles... Pour autant, cette bataille contre "un ennemi invisible" n'a pas altéré le moral d'un teigneux, habitué à vivre contre les handicaps depuis sa naissance dans une petite bourgade calabraise. "Je suis né avec deux mois d'avance, et je pesais 1,3 kilo. J'ai lutté pour ma vie, c'était mon destin." Celui-ci lui avait plutôt souri jusque-là, avec, dans le désordre, une Coupe du monde avec la Nazionale, deux Ligues des champions et deux Scudetti avec l'AC Milan. Avec à chaque fois une influence énorme sur ses partenaires, grâce à sa hargne communicative, bien sûr, mais également un sens du jeu que nombre de spécialistes ont toujours sacrifié sur l'autel de ses grognements. "Je me battrai dur pour revenir" Et si la trentaine passée, Gattuso (462 apparitions en Serie A) subit de plein fouet la cure de jouvence opérée par Massimiliano Allegri et son staff, son avenir se jouant même à la roulette russe cet été, il n'en demeure pas moins un leader de vestiaire respecté et le chouchou des tifosi, qui lui vouent un culte digne des loyaux services rendus. Leurs coeurs ont d'ailleurs encore battu à la chamade quand "Ringhio", lors d'un récent point presse, a tenu à rendre hommage à son ami Marco Simoncelli, disparu dans des conditions tragiques lors du Grand Prix de Malaisie, avant d'aborder son cas personnel. Un appel à la relativisation pour celui qui entretient désormais le look de Jack Sparrow avec ses cheveux longs et sa barbe touffue, en plus de ses lunettes très spéciales. "Je ne pense plus en priorité au football, seulement à la vie de tous les jours. C'est vraiment terrible de ne pas pouvoir emmener ses enfants à l'école quand on ne peut pas conduire." Mais le naturel revient vite au galop, et Gattuso, qui a toujours fait du ballon rond son cheval de bataille, n'a pas pu s'empêcher d'évoquer un prochain retour à la compétition. "Je me battrai dur pour revenir. Je me sens comme un élément important du vestiaire. Tant que l'enthousiasme est là, je pourrai sans aucun doute continuer à jouer." Allegri, optimiste quant aux résultats de la thérapie de son vice-capitaine, continue à en faire un exemple pour ses jeunes. "L'intensité avec laquelle il s'entraîne devrait faire réfléchir tout le monde. Nous l'attendons tous et espérons le retrouver au plus vite." Au royaume des aveugles, le borgne est bien le roi.