Gervais Martel a glissé de la rubrique sports à celle des faits divers. Emblématique président du RC Lens, il a été mis en examen mardi soir pour "corruption privée et recel d'abus de bien sociaux", a indiqué l'intéressé à sa sortie du bureau du juge, ajoutant qu'il "contest[ait] absolument" les faits. Reste que le président lensois est ainsi pour la première fois dissocié du club qu'il dirige habilement depuis un quart de siècle.
Quand il arrive aux commandes du club en 1988, Gervais Martel est un jeune autodidacte de 34 ans, qui a bâti sa fortune avec Le Galibot, un hebdomadaire gratuit de petites annonces. Issu d'un milieu aisé, il avait auparavant "raté" son école de commerce, et travaillé chez Auchan, sponsor du club. Sa prise de pouvoir est l'accomplissement d'un rêve de tout supporter. Depuis ses cinq ans, Gervais Martel encourage le RC Lens.
Une relégation dès son arrivée
Ça commence mal pour lui. Dès sa première saison au club, Lens connaît la relégation en D2. Côté finances, ce n'est guère mieux. Le nouveau président va profiter de ce passage à vide pour prendre totalement la main sur le club et le façonner selon ses souhaits. Pur Ch'timi né à Oignies, d'un père ingénieur des Mines, Gervais Martel côtoie les terrils depuis son plus jeune âge. Cette histoire personnelle liée au RC Lens lui permet de se faire accepter des supporters.
A raison. Moins de trois ans plus tard, le nouveau président a remis le club sur les rails du succès, matérialisé par une montée en D1. "Quand je suis arrivé, en 1988, il y avait 22 millions de francs de passif. Aujourd'hui, le Racing autofinance, pour moitié, son centre technique. Lens est passé d'un club sympa, avec 40 millions de budget, à un club qui existe dans la hiérarchie nationale", expliquait-il en 2001 à Libération.
Cette année-là, il inaugure La Gaillette, le centre d'entraînement flambant neuf du club. Un investissement réussi grâce à une saine gestion économique et rendu impératif par le nouveau standing du club. Le club remporte son unique titre de champion de France en 1998, doublé d'une Coupe de la Ligue l'année suivante et d'une demi-finale de Coupe d'Europe deux ans plus tard. L'apogée sportif est atteint.
Privilèges pour les supporters
Dans ce club où les supporters sont rois, le président Martel est adoubé. Les autres clubs augmentent le prix des places ? Lui maintient les bas prix dans une région économiquement sinistrée. Les kops sont installés partout derrière les buts ? Pas à Félix-Bollaert où les supporters abonnés conservent leurs places en tribune latérale.
Plus jeune président d'un club de Division 1 en 1988, il est aujourd'hui le 3e plus ancien président, derrière le Montpelliérain Louis Nicollin et le Lyonnais Jean-Michel Aulas. Erodé par plus de vingt ans de présidence, approchant les soixante ans et touché par les deux relégations sportives de 2008 et 2011, Gervais Martel pense un temps céder la main en 2011.
Mais lorsque la relégation est confirmée, le président réaffirme sa position. "Si je reste président ? Oui", confirme-t-il le 15 mai, au lendemain de la nouvelle descente. "Une fois la déception passée, j'espère que les gens resteront en force derrière le club. Il y aura d'autres échéances positives".