Pour mieux connaître Sophie Herbrecht, on n'est pas obligé de parler uniquement handball. Après une pause à durée indéterminée, la Mulhousienne de 28 ans, championne du monde en 2003, fait son grand retour en équipe de France à l'occasion de l'Euro en Norvège et au Danemark (7-19 décembre). Souriante et loquace, Soph' se livre sans retenue, sans tabou, le temps d'une pause café dans un hôtel de la région parisienne. Entretien. Sophie, pourquoi aviez-vous mis votre carrière internationale entre parenthèses après les Jeux olympiques de Pékin ? J'avais besoin de me retrouver, de penser un petit peu à autre chose. J'étais un petit peu lassée de toujours faire la même chose. J'avais vécu un petit peu tout déjà. J'avais une certaine lassitude, besoin de zapper un peu le handball pour retrouver la motivation que j'avais au départ. Est-ce vraiment une histoire de motivation ? A la base, le handball, c'est ma passion. C'est un sport, un jeu, quelque chose où l'on se fait plaisir. Le faire juste pour le faire parce que c'est votre travail... Là, il faut se poser des questions, dire stop ! J'ai pris un petit peu de recul pour, justement, bien revenir aujourd'hui. Qu'avez-vous fait durant ce laps de temps ? J'ai pris du temps pour moi, je suis sortie, je suis allée voir ma famille. Une vie de femme quoi... J'ai pris des vacances, chose qu'on ne faisait pas avant, j'avais des week-ends libres. C'est très con pour quelqu'un de normal mais, pour une sportive de haut niveau, c'est quelque chose que l'on n'a pas depuis l'adolescence. Cela m'a fait énormément de bien. Étiez-vous certaine de revenir ? Je n'étais pas sûre. Si cela ne me manquait pas du tout, je ne serais jamais revenue. Si j'avais eu des enfants, peut-être que je ne serais jamais revenue. Si je m'étais rapprochée de ma famille, peut-être que je serais restée vers elle. Je ne sais pas. La seule certitude, c'est que je voulais faire une pause. Est-ce difficile de revenir ? Quand j'ai arrêté, je ne savais pas quand j'allais reprendre. Et, un jour, je me suis dit: "J'ai envie d'y retourner maintenant !". Il y a quand même l'objectif de Londres, où je veux vraiment faire quelque chose, donc je me suis dit: "Deux ans pour revenir au top niveau pour faire quelque chose, c'est bien." J'ai donc appelé Olivier (Krumbholz, ndlr), je lui ai dit: "Cela m'intéresse, je veux revenir, j'ai envie, je suis motivée. Est-ce que cela t'intéresse ? Est-ce que tu penses que l'on peut refaire quelque chose ensemble ?" Voilà, c'est reparti ! On a beaucoup parlé, parce que l'on ne claque pas des doigts pour revenir en équipe de France, j'ai dû physiquement énormément travailler, j'ai eu quelques pépins de santé, donc cela a été assez difficile. Mais, avec Olivier, on se connaît depuis super longtemps, on se fait confiance. L'équipe de France a-t-elle changé ? Il y a des nouvelles têtes mais, après, c'est la même chose, les mêmes règles, la même façon de vivre, on retrouve les mêmes entraînements. Cela fait plaisir. "On a l'impression qu'on s'était vues la veille" Comment avez-vous vécu les derniers Championnats du monde ? J'ai tout regardé à la télé, j'ai quand même beaucoup d'amis dans cette équipe, donc j'étais à fond derrière elles, on s'appelait... Fan n°1 et, vraiment, super contente pour elles. Avez-vous eu des regrets de ne pas y être ? Non, parce qu'une médaille mondiale, j'en ai une, je sais donc un petit peu ce qu'elles ont vécu. Chacun son rôle. Moi, j'avais besoin de me retrouver. Elles ont fait leur aventure de leur côté, j'ai vécu cela comme une spectatrice. Est-ce facile de revenir dans un groupe qui a vécu quelque chose en commun ? Je pensais que cela allait être plus difficile mais, en fait, cela s'est fait comme si je ne les avait jamais quittées. J'avais quelques inquiétudes, je ne savais plus trop où me situer. Mais c'est un groupe que je connais depuis longtemps. On a l'impression qu'on s'était vues la veille. Cela glisse, comme on dit ! Pensez-vous encore à la médaille olympique ? C'est un truc que je veux avoir ! J'en ai vécu deux. A vivre, c'est extraordinaires, les Jeux olympiques. Je veux terminer sur une médaille et, vraiment, je vais tout donner pour arriver à cela. "La vie de famille, on ne connaît pas" Êtes-vous restée en contact avec toutes les anciennes ? Oui, elles vivent leur vie de femme, elles ont des enfants, elles travaillent... Je ne revois pas tout le monde parce qu'il y en a beaucoup qui sont parties, même dans les îles, un peu partout, mais j'ai revu Val' (Valérie Nicolas, ndlr) il n'y a pas très longtemps. On prend un verre, on discute de ce que l'on a fait depuis le temps, c'est sympa ! Sacrifie-t-on vraiment sa vie de famille lorsque l'on est sportive de haut niveau ? J'ai connu l'équipe de France avec les jeunes à partir de 14 ans, j'ai dû quitter toute ma famille, j'ai voyagé dans toute la France... Tu ne peux pas te poser, avoir une vie, même une vie de couple, c'est super difficile de trouver quelqu'un qui vous suit. C'est un choix de vie qui amène énormément de sacrifices. La vie de famille, on ne connaît pas. Pour avoir un enfant, il faut prendre le risque d'arrêter... Vous vouliez avoir un enfant justement... Je voulais, mais je n'ai pas réussi à le faire, donc cela ne s'est pas fait. Mais, oui, je veux une famille nombreuse, je suis très, très famille, je suis déjà dans une famille nombreuse. Devoir quitter cela, c'est quelque chose qui est difficile et que les gens ne peuvent pas comprendre. En tant que femme, c'est difficile à gérer. Beaucoup plus que pour un homme ? Oui... C'est plus facile pour la femme de suivre l'homme. On peut rester à la maison, avoir des enfants quand on veut, s'en occuper. Alors que nous, quand on bouge par exemple dans un pays étranger, il faut que quelqu'un nous suive, pour faire un enfant, il faut arrêter puis revenir. Ce sont des choix vraiment difficiles. "On ne nous regarde pas de la même façon que les garçons" Le traitement de la FFHB est-il le même entre les hommes et les femmes ? C'est un débat qui peut durer des jours et des jours... Au niveau des primes, ce sont les mêmes. Après, je pense que c'est la seule chose qui est égale, malheureusement. On ne nous regarde pas de la même façon. On n'a pas tous les titres des garçons, non plus, il faut remettre chacun à sa place. Mais il y aura toujours une différence, même si on avait été championnes olympiques, même si on a été meilleures que les garçons... Ils sont beaucoup plus médiatisés, beaucoup plus reconnus, il y a beaucoup plus de communication sur eux. Pourtant, c'est le même sport. Pourtant, vous avez fait beaucoup d'efforts... Il y a beaucoup de communication. A partir de 2007, Femmes de Défis, où on s'est montrées en tant que femmes et pas forcément en tant que sportives, cela a beaucoup joué là-dessus. Mais, on est encore loin, loin, loin de ce que l'on devrait recevoir. La médiatisation des garçons vous aide-t-elle ? Oui et non. Disons que, quand ils ont des résultats, comme on fait le même sport, cela nous aide. Après, tout ce qu'ils font, c'est pour eux, et tant mieux pour eux parce qu'ils le méritent, mais il y aura toujours une barrière entre nous. Comment voyez-vous votre vie après le hand ? Je ne sais pas encore où je serai parce que j'aime bien bouger. Je suis quand même en train de préparer ma reconversion, je passe une formation d'aide auxiliaire de santé animale. J'aimerais me poser, trouver quelqu'un, faire des enfants, bosser comme une personne normale dans ma clinique vétérinaire. Pour finir sur l'Euro, Olivier Krumbholz vous met-il une pression particulière ? Il sait que le Championnat d'Europe, c'est le championnat le plus difficile. C'est le moins glorieux, mais le plus difficile. On a une poule (France, Hongrie, Norvège et Slovénie, ndlr) super dure... Il n'a pas donné d'objectif pour l'instant, cela viendra au fur et à mesure, mais c'est vrai qu'il n'y a pas de pression. Si on ne sort pas de la poule, ce ne sera pas non plus une catastrophe. Maintenant, si on sort avec autre que zéro point, on est capables, comme au Mondial, d'aller loin.