C'était le 15 avril 1989. La demi-finale de la Coupe d'Angleterre entre Liverpool et Nottingham Forrest, disputée à Sheffield, au stade d'Hillsborough, tournait au drame : 96 personnes trouvaient la mort et 766 étaient blessées dans l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire du football. Plus de 23 ans plus tard, le premier ministre britannique David Cameron a présenté ses excuses aux proches des familles, mercredi, devant le Parlement, à l'occasion de la publication du rapport de la commission indépendante mise sur pied en 2010.
"Je dois aujourd'hui (mercredi), en tant que Premier ministre, présenter des excuses aux familles de ces 96 personnes pour tout ce qu'elles ont enduré au cours des 23 dernières années", a-t-il déclaré. "Au nom du gouvernement, et du pays tout entier, je veux dire que je suis profondément désolé de cette double injustice, qui est restée en l'état pendant si longtemps."
La catastrophe d'Hillsborough avait fait 96 morts :
Cette "double injustice" réside selon lui dans les "fautes" ayant conduit au décès des victimes et dans la tentative des policiers de faire croire à la responsabilité des supporters. Le 19 avril 1989, soit quatre jours après le drame, le tabloïd The Sun, s'appuyant notamment sur le témoignage de policiers, avait publié un article dans lequel les supporters étaient accusés d'avoir été ivres et violents, et même d'avoir volé les mourants et les morts, sous le titre "The truth (La vérité)".
164 procès verbaux modifiés par les policiers
Le rapport indépendant rendu public dans la matinée établit que la police avait tenté d'incriminer les victimes et modifié environ 164 procès verbaux afin de se dédouaner. Sur ces 164, 116 comportaient des commentaires explicitement négatifs sur l'action de la police. Les policiers sont également accusés d'avoir fait des recherches sur ordinateur pour essayer de ternir la réputation des victimes, relevant ainsi leur taux d'alcoolémie, y compris celui des enfants. Or, selon la commission, ces victimes n'étaient pas particulièrement ivres.
Cette réhabilitation des victimes était très attendue à Liverpool (ici en photo le mémorial à l'entrée du stade d'Anfield, en 2011). Reprenant le titre du Sun, le quotidien Liverpool Echo affichait ainsi ce mercredi sur sa Une "96 reasons for the truth (96 raisons pour obtenir la vérité)", avec le visage des victimes de la tragédie. Plusieurs personnalités du football attendaient également la vérité, s'étonnant, à l'instar de Gary Lineker, de la connaître seulement 23 ans plus tard ("Je me souviens avoir été à Barcelone ce jour-là. 23 ans après, nous apprenons la vérité. 23 ans ! Une honte nationale", a-t-il twitté). Parmi les joueurs les plus impliqués, la nouvelle recrue de l'OM, Joey Barton, était notamment allée à la rencontre des victimes pour faire entendre leur voix.
Barton donne la parole à des victimes :
Le document publié mercredi ne fait pas que réhabiliter l'honneur des victimes et des supporters de Liverpool présents au stade ce jour-là. Il revient également sur les erreurs commises dans l'organisation des secours. Il précise ainsi que jusqu'à 41 personnes auraient pu survivre si les secours avaient été mieux organisés. Il souligne notamment que, pour "plusieurs" victimes, l'asphyxie qui a finalement provoqué leur mort aurait pu être réversible après 15h15, heure à laquelle les autorités ont pourtant considéré que plus aucun secours ne pouvait sauver des vies.
Une succession de mauvaises décisions
Le Premier ministre a également égréné la liste des facteurs qui ont conduit à la catastrophe : tourniquets "inadéquats", capacité de la tribune debout réservée aux supporters de Liverpool "surestimée", plan catastrophe "pas entièrement mis en place" et secours "retardés par des erreurs de direction et de coordination". A l'époque, quatre ans après la catastrophe du Heysel, les forces de police étaient mobilisées pour prévenir toute dérive des hooligans de Liverpool et avaient totalement occulté les risques liés aux conditions d'accueil des spectateurs.
Par ailleurs, Cameron a souligné que la commission n'avait trouvé aucune preuve que le gouvernement d'alors, dirigé par Margaret Thatcher, aurait pu tenter de dissimuler la vérité. A l'époque, le porte-parole de la "Dame de fer" avait parlé d'une "foule de soûlards" pour désigner les supporters. Cameron a cependant admis que les gouvernements successifs depuis le drame "n'avaient pas fait assez pour contester publiquement les récits injustes et faux visant à incriminer" les supporters. Depuis cette tragédie, le visage des stades anglais a profondément changé et, désormais, toutes les places disponibles sont assises.