Pur produit de la filière fédérale et du pôle Espoirs de Marcoussis, rompu aux sélections de jeunes, mais aussi passé par l'école toulousaine après des débuts à Pamiers, en Ariège, Yoann Huget aborde serein et sans plus d'émotion, malgré ses 23 ans, ses grands débuts à l'aile du XV de France samedi, à Montpellier, face aux Pumas. Ne lui parlez pas de Coupe du monde, le Bayonnais ne voit pas plus loin que La Mosson. Yoann, vous attendez-vous à une émotion particulière samedi, au moment de pénétrer sur le terrain avant le coup d'envoi ? Je vais savourer les hymnes et puis, dès que le coup d'envoi sera donné, ce sera comme un match Pamiers-Saverdun à l'ancienne (il est né à Pamiers, en Ariège, ndlr). C'est un match de rugby. L'avant-match est à gérer du mieux possible, c'est certain, mais une fois sur le terrain, je ne me fais pas de soucis. Me retrouver dans cette ambiance à deux heures de ma ville natale, je vais être sans doute plus sollicité qu'à l'habitude et je vais couper plus tôt le portable, rentrer un peu plus vite dans mon match... On vous sent particulièrement serein... Je ne sais pas si je suis serein, mais j'essaye de relativiser par rapport à l'événement, de rester concentré un maximum sur les entraînements que l'ont fait ici, à Marcoussis, pour avoir le plus de repères possibles. Le fait d'être passé par les équipes de France et les filières jeunes m'a permis de ne pas arriver dans l'inconnu, non plus. La Marseillaise, je l'ai déjà chantée, c'est un système que je connais, mais je veux d'abord resté concentré et ne pas me laisser submerger par l'émotion. Emile Ntamack insiste sur votre goût pour le défi permanent face à votre vis-à-vis sur le terrain... C'est vrai que j'aime ça. Christophe Deylaud à Agen m'a toujours dit qu'il fallait gagner un mètre ou même cinquante centimètres. Je m'en suis souvenu et j'essaye toujours de gagner cette ligne d'avantage que ce soit en défense ou en attaque. Il a été très important du point de la préparation mentale et dans ce défi du homme à homme, qui est si important aujourd'hui. Ce sont des conseils qui me servent aujourd'hui et c'est en grande partie grâce à lui. "Laisser nos jambes s'exprimer..." Ce n'est pas vraiment dans la grande tradition française que d'entendre un ailier parler de combat et de prise de la ligne d'avantage... J'essaye aussi d'être virevoltant (rires), les deux me conviennent bien, mais disons qu'en ce moment, c'est difficile d'être virevoltant, les défenses sont agressives, montent très vite en coupant les extérieurs, ce qui nécessite de d'abord s'appuyer sur cette ligne d'avantage pour ensuite pouvoir être virevoltant et laisser nos jambes s'exprimer... Mais dans un premier temps, on ne peut pas se permettre de se jeter le ballon, le "french flair", c'est difficile. Révélé lors de votre première saison à Agen avec 14 essais inscrits en Pro D2, vous avez semblé évoluer vers un rôle de passeur plus que de finisseur lors de la saison de la montée. C'était une volonté de vos coaches de vous voir dans un tel registre ? Ils m'avaient demandé de me voir dans un rôle plus tournée vers le collectif. Je m'y suis appliqué, mais je manquais d'espaces, je n'avais pas le rebond avec moi, j'étais mal placé, ce qui peut arriver pour un attaquant au football, parce que je me considère comme un attaquant, il existe des périodes où il faut savoir gérer au mieux et ne pas se démobiliser parce qu'on rate un essai facile ou qu'on a l'impression de ne plus avoir le bon rebond. Et puis tout le monde nous attendait avec Agen sur les terrains de Pro D2, peut-être est-ce que je voulais honorer mon statut de meilleur marqueur et je me suis brûlé les ailes là-dessus. J'ai rongé mon frein pendant six mois, je n'étais pas forcément content lorsque je sortais du terrain, mais Christophe (Deylaud) me disait d'être patient, que ça allait revenir... Et c'est revenu cette année à Bayonne. Avec l'Aviron, vous avez la sensation de toucher les dividendes de cette dernière saison vécue dans l'ombre à Agen ? Peut-être... Christian Gajan me laisse aussi les pleins pouvoirs sur mon jeu et sur le franchissement pour aller toujours le plus loin possible. A l'heure d'honorer cette première cape, avez-vous envie de remercier l'un de vos entraîneurs en particulier ? Non. Pas d'appréhension, je suis dans l'attente. Disons que chaque entraîneur a apporté sa pierre à l'édifice, mais je ne suis pas dans les remerciements, je ne suis pas là pour ça. J'ai une pensée pour certains, mais ça s'arrête là. Il faut que je me concentre sur mon match, j'aurai le temps de saluer tout le monde une fois le match passé. "Je me suis préparé à toutes les éventualités" Qu'est-ce que cela vous inspire de voir aussi peu de Toulousains sélectionnés sous le maillot de l'équipe de France ? Ce n'est pas trop de mon ressort, moi, j'évolue à Bayonne. Je suis content quand ils sont là parce que c'est toujours un plaisir de les retrouver après les sept ou huit ans que j'ai passés là-bas. Mais après qu'ils soient ou non sélectionnés, ce n'est pas trop mon problème. A voir votre décontraction apparente, cela semble presque facile à vous écouter d'arriver en équipe de France... Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, c'est au coach. Moi, je fais juste mon travail sur le terrain avec Bayonne, j'essaye de prendre toutes les opportunités que l'on me donne pour pouvoir exprimer ce que j'aime accomplir sur un terrain, marquer et passer. Je peux passer complètement à côté de mon match, je n'ai que 23 ans, je me suis préparé à toutes les éventualités, même si je vais tout mettre en oeuvre pour que ça se passe au mieux pour moi samedi. Cela signifie-t-il que la Coupe du monde ne constitue pas un objectif pour vous ? Pour moi, la Coupe du monde, elle est loin. Je prends d'abord les échéances de cette tournée d'automne, je pourrai penser à la Coupe du monde si tout se passe bien. Pour l'instant, mon objectif premier, c'est de réussir ces tests d'automne. Je vais fêter ma première sélection, mes partenaires en ont dix, vingt, trente... A moi d'être le meilleur possible samedi pour pouvoir y penser, aujourd'hui, ce serait prétentieux et manquer d'humilité de dire que je pense à la Coupe du monde. Alexis Palisson dit de ces Pumas qu'ils savent être "taquins"... Vous attendez-vous à être testé nerveusement par vos adversaires ? Non, ils pourront me tirer le maillot, ils feront ce qu'ils voudront. Je n'aurai qu'une envie, c'est de marquer et de les franchir. Au niveau international, je ne vais pas m'arrêter sur une baffe ou sur un tirage de maillot, ce n'est pas le but et ce serait plutôt me griller les ailes. Lorsque Marc Lièvremont évoque un objectif de réhabilitation face aux Argentins après la lourde défaite de la dernière tournée d'été, vous vous sentez concerné ? Bien sûr, c'étaient peut-être d'autres joueurs, mais ils portaient le même maillot que moi contre l'Argentine. C'est surtout l'honneur du maillot qu'il faut relever, comme l'a dit le coach, et je vais essayer d'honorer ce maillot pour prendre la revanche sur ces Argentins tout en étant concentré sur le jeu que l'on veut produire samedi, ce qui est le plus essentiel.