Samedi, face à Caen (0-1), l'AS Monaco a manqué l'occasion de valider sa remontée en Ligue 1. Mais, avec huit points d'avance sur le quatrième du classement à trois journées de la fin, le retour des Rouge et Blanc parmi l'élite du football français, deux ans après l'avoir quittée, ne fait plus guère de doute. Il pourrait même être validé dès samedi, en cas de succès à Nîmes.
Les autres clubs n'ont pas attendu cette 36e journée pour se préparer à cette éventualité. Le 21 mars dernier, la Ligue de football professionnel (LFP), qui représente les intérêts des clubs pros, a en effet décidé d'obliger l'AS Monaco à installer son siège en France à partir du 1er juin 2014, sous peine d'être exclu du championnat. En cause : le régime fiscal de la Principauté, où les joueurs étrangers ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Déjà confrontés à un PSG gonflé aux "gazodollars", les autres clubs de Ligue 1, à commencer par les candidats à la Ligue des champions, ne voient pas d'un très bon œil le retour d'un club au régime fiscal de plus en plus avantageux.
L'ASM avance son patrimoine
Conscientes du prestige du club, les autorités du football français sont embarrassées. Leur dernière proposition, venue du président de la Fédération, est spectaculaire : à titre de "compensation" des avantages fiscaux, le président de la FFF a proposé au club de la Principauté de régler une somme de 200 millions d'euros étalée sur plusieurs saisons. "L'ASM FC considère qu'une telle demande est totalement inacceptable", a réagi le club dans un communiqué. Affiliée à la FFF depuis 1919, l'AS Monaco explique avoir "investi depuis longtemps des sommes importantes dans le football français, formé des internationaux français et représenté fièrement le football hexagonal en Coupes d'Europe". Vrai, avec sept titres de champion de France, cinq Coupes de France et une Coupe de la Ligue, l'ASM figure parmi les clubs les plus titrés de l'Hexagone.
Un budget pour rivaliser en Europe
L'ASM joue sur la carte sensible, et sur l'historique du club, pour défendre son dossier. Mais, pour l'homme d'affaires russe Dimitri Rybolovlev , qui a pris en mains les destinées du club depuis décembre 2011, il s'agit surtout de ne pas perdre un avantage financier conséquent sur ses concurrents. Car l'objectif avoué du richissime propriétaire de l'ASM est de jouer les premiers rôles en Ligue des champions dans les années qui viennent.
"La Ligue 1 souffre surtout d'un manque de compétitivité européenne", souligne au micro d'Europe 1 l'économiste du sport, Frédéric Bolotny. "Monaco est un club construit sur un modèle de "pseudo-mécénat" qui peut avoir les moyens de retrouver très vite de l'ambition à l'échelle européenne, à l'image du PSG. La question est de savoir : quelle est la priorité ? Se battre localement au niveau de la Ligue 1 pour ne pas souffrir d'une concurrence que les présidents de clubs jugent déloyale ou retrouver une compétitivité européenne. Moi, personnellement, cette compétitivité européenne me paraît être la priorité qui tirerait l'ensemble des clubs français vers le haut."
Certains présidents prêts au boycott
Et voilà donc le football français écartelé entre respect de l'équité et nécessité de briller. "C'est vrai que les conditions qui permettent à Monaco de jouer en L1 créent un écart", a concédé le président de Lyon, Jean-Michel Aulas, dans les colonnes du quotidien L'Equipe. "Il doit y avoir un moyen de trouver, quand on est de bonne volonté, des accords, peut-être pas à 200 millions d'euros, mais un petit peu moins. Il est fondamental, pour le foot français, d'avoir des investisseurs." Cette position tranche avec le discours des autres présidents de l'élite, dont certains seraient même prêts à boycotter les matches à Monaco. Outre le président de Lyon, celui de Valenciennes, Jean-Raymond Legrand, tient également un discours plus conciliant vis-à-vis de l'ASM.
Le quotidien L'Equipe a une explication : le prochain mercato. En effet, à la différence du PSG, qui a essentiellement acheté à l'étranger et notamment en Italie, l'ASM aurait choisi une option inverse : à savoir se renforcer en France. Elle serait notamment intéressée par les Lyonnais Lisandro et Yoann Gourcuff ainsi que par le Valenciennois Nicolas Isimat-Mirin. Pour Lyon et Valenciennes, de tels transferts constitueraient une occasion en or de remplir leurs caisses. De son côté, le club de la Principauté a bien compris qu'acheter en France était sans doute la bonne stratégie pour s'attirer des soutiens au sein du football hexagonal. Et peut-être ainsi faire passer la "pilule" de la fiscalité avantageuse...