L'Espagne divisée autour de sa Coupe

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FOOT - La finale de la Coupe du Roi oppose vendredi, à Madrid, l'Athletic Bilbao et le Barça.

La Coupe du Roi Alfonso XIII. Voilà sous quel nom est née en 1902 l'actuelle Coupe du Roi, l'équivalent de la Coupe de France en Espagne. Elle doit sa création à la volonté du président du Real Madrid de l'époque, Carlos Pedros, de rendre hommage au nouveau roi couronné. Il y a donc une certaine ironie à voir, vendredi soir, deux équipes aux identités régionales très fortes, le FC Barcelone (Catalogne) et l'Athletic Bilbao (Pays basque), se disputer ce titre, le dernier de la saison en Espagne, dans la capitale du pays, Madrid.

Deux clubs à la très forte identité

Les supporters du Barça comme de l'Athletic ont pris l'habitude d'exprimer avec force leur attachement à leur communauté et, parfois, leur rejet du pouvoir central. Dans les tribunes du Camp Nou, antre de la "catalanité", on voit régulièrement fleurir la banderole "Catalunya is not Spain". Dans San Mames, la "cathédrale" de l'Athletic, les étendards rouge, blanc et vert, aux couleurs du Pays Basque, font quasiment figure de drapeau du club, dont tous les joueurs de l'effectif sont "basques", de naissance ou formés dans un club de la région.

Si elle est ironique, cette affiche n'est pas inhabituelle. Les deux clubs ont certainement compris le symbole qu'il y avait à briller dans cette compétition, qui s'est appelée la Coupe du Généralissime Franco entre 1940 et 1976... En effet, le Barça (25 titres) et l'Athletic (24), sont les deux clubs les plus titrés dans cette compétition, devant le Real Madrid. La "Maison blanche", qui a toujours été le club du Roi, a d'ailleurs refusé que cette finale ait lieu dans son stade de Santiago-Bernabeu, avançant des raisons logistiques. Mais les raisons profondes sont sans aucun doute symboliques et politiques...

Tensions autour de l’hymne national

Il y a trois ans, la finale avait déjà opposé le Barça à l'Athletic Bilbao dans le stade de Mestella, à Valence. Alors que le roi Juan Carlos venait de prendre place dans les tribunes, l'hymne national, la "Marcha Real", avait été copieusement sifflé par les supporters des deux équipes. Cet incident avait été à l'origine d'une gigantesque polémique, d'autant que la télévision publique, la TVE, avait décidé de zapper l'hymne pour aller interroger ses envoyés spéciaux dans les villes des deux finalistes...

L'hymne national est sifflé lors de la finale 2009 :

En Espagne, personne n'a oublié ces incidents. Et surtout pas la présidente de la région de Madrid, où aura bien lieu le match, mais dans le stade de l'Atletico. L'élue a en effet proposé de jouer cette finale... à huis clos. "Les outrages au drapeau ou à l'hymne national sont des délits inscrits au Code pénal. On ne peut pas les tolérer et, selon moi, le match devrait être reporté et joué à huis clos ailleurs", a déclaré mardi sur l'antenne de la radio Onda Cero Esperanza Aguirre, figure du Parti populaire, représentant de la droite espagnole.

En présence du prince héritier

Ces déclarations ont eu le don d'énerver les journaux catalans. "Pourquoi tu ne la fermes pas ?" interrogeait ainsi mercredi le Mundo Deportivo. Le ministre de l'Intérieur espagnol, Jorge Fernandez Diaz, a appelé tous les acteurs à "collaborer pour calmer les esprits." D'elle-même, la présidente a décidé de ne pas assister au match. "Je ne suis pas très partisan de siffler l'hymne espagnol", a expliqué "Pep" Guardiola, dont ce sera la dernière sur le banc du Barça. "Mais en même temps, je regrette que la présidente ne vienne finalement pas voir le match demain. J'aurais aimé qu'elle nous honore de sa présence."

Son absence ne signifie pas pour autant que l'atmosphère autour de ce match sera apaisée. En effet, le Tribunal supérieur de justice de Madrid a autorisé des associations d'extrême droite à manifester vendredi non loin du stade Vicente-Calderon, sous le slogan "Contre le séparatisme, un drapeau". De son côté, le président du Barça, Sandro Rosell, a demandé à ses supporters d'"exprimer librement leurs sentiments"... Cette finale se disputera sous les yeux du Prince héritier Felipe, qui a confirmé sa présence. Le Roi Juan Carlos, convalescent après une opération à la hanche, ne sera donc pas là pour assister à "sa" finale. Et pour entendre les éventuels sifflets.